Gabrielle a grandi dans la petite bourgeoisie agricole où son rêve d’une passion absolue fait scandale. A une époque (les années 50) où l’on destine d’abord les femmes au mariage, elle dérange, on la croit folle. Ses parents la « donnent « à José, un ouvrier espagnol saisonnier, chargé de faire d’elle une femme respectable. Atteinte du « mal de pierres », Gabrielle doit être internée dans un établissement pour y faire une cure…
Après la femme divorcée reprenant sa vie en main dans Un Week end sur deux, la veuve alcoolique d’un diamantaire dans Place Vendôme, Nicole Garcia, réalisatrice, refait appel à son scénariste Jacques Fieschi pour dresser cette fois le portrait d’une amoureuse passionnée, éprise d’absolu dans une époque bien trop conventionnelle pour elle. Ce drame d’un beau classicisme, tourné dans de superbes décors naturels, étudie ce caractère féminin et féministe avant l’heure, tentant de briser les carcans de sa condition pour explorer sa nature entière et vivre si possible pour la seule chose qui vaille la peine: l’amour passion. Fantasmé, adulé, idéalisé même, le sentiment amoureux trouve là toute sa puissance d’évocation, traité avec une mise en scène épurée, totalement conforme au sujet, nous laissant toute latitude pour « ressentir » plutôt que de démontrer. Mal de Pierres possède un lyrisme discret mais bel et bien présent, détaillant l’exaltation érotique, l’emballement du coeur et du corps comme seul moyen d’échapper à une existence sinistre et programmée d’avance. D’aucun pourront trouver l’intrigue trop « maigre », pourtant c’est un cinéma de l’humain que la réalisatrice nous propose, de celui où l’on prend le temps de s’attacher aux personnages, de peut être même s’identifier à eux. Derrière la gravité de certaines séquences, Garcia fait toujours passer un raie de lumière, évitant ainsi la noirceur totale.
De tous les plans, cette héroïne fiévreuse et taiseuse se voit complètement sublimée par Marion Cotillard grâce à son interprétation bouleversante, précise, profondément viscérale. L’actrice de La Môme atteint une maturité de jeu jusque là inédite. Et le romantisme échevelé lui va comme un gant… A ses côtés, Louis Garrel incarne le lieutenant malade dont elle s’éprend follement pendant sa cure, parfait dans les non dits, la fébrilité masculine dans toute sa splendeur. Enfin, Alex Brendemühl, un comédien né d’une mère espagnole et d’un père allemand, trouve tout à fait sa place dans ce trio avec une assurance tranquille. Utilisant la vision subjective, Mal de Pierres interroge le rôle de l’imaginaire dans nos vies: peut on résister sans s’autoriser à rêver? A quel moment les rêves peuvent prendre le pas sur la raison? Un très beau film.
ANNEE DE PRODUCTION 2016.