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NATALIE WOOD

1938/1981

Natalie Wood vint au monde en 1938 à San Francisco, fruit de parents immigrés russes. Une famille cosmopolite et cultivée, portée sur les arts, et qui donne à leur fille le goût de la scène, avant même qu’elle n’apprenne véritablement le sens des choses les plus essentielles. Son enfance fut compliquée avec le spectacle incessant d’un foyer instable, dans lequel son père, alcoolique et violent, mène son monde à la baguette, soutenu par une épouse très autoritaire et qui se montrait avare de douceur. En revanche, cette mère obsessionnelle n’a qu’une idée en tête: faire de Natalie la vedette qu’elle n’a pas pu être elle même, et c’est donc par frustration artistique qu’elle pousse sa fille vers le vedettariat. Ainsi, à 5 ans à peine, la gamine douée pour la danse et affichant une jolie frimousse se voit propulsée enfant star, un peu plus dans l’esprit d’une Shirley Temple que d’une Judy Garland. Il faut dire qu’elle est douée, qu’elle a ça dans le sang et qu’elle semble y prendre du plaisir, alors en très peu de temps, elle enchaine les contrats dans un Hollywood friand de « petits singes savants » au sourire charmant. A 8 ans, elle fait grande impression dans un conte de fées fantasque et naïf Miracle sur la 34ème rue , puis donne la réplique à des grands noms comme Orson Welles (Demain viendra toujours) , Gene Tierney (L’aventure de Madame Muir) et un peu plus tard, elle joue la fille de Bette Davis dans La Star, un film oublié aujourd’hui et qui décrivait pourtant bien l’impitoyable jungle d’un Hollywood carnassier et inhumain. Natalie va vivre toute son adolescence sous le feu des projecteurs, devant les caméras, en multipliant des participations à des films de qualité inégale, mais qui lui mettent le pied à l’étrier et font accessoirement aussi rentrer de l’argent au foyer familial. Elle ne le sait pas encore, mais c’est au coeur de cette prodigieuse réussite acquise si jeune que se tissent les fils d’un drame qui contribuera plus tard à sa perte. En étant privée d’enfance et de développement personnel, en grandissant trop vite, brûlant des étapes cruciales pour son psychisme, elle ne se rend pas compte qu’elle ne fait surtout que vivre par procuration les désirs inaboutis de sa mère.

Pendant les années 50, la jeune fille se distingue surtout dans le beau drame de Nicholas Ray La Fureur de vivre , dans lequel elle croise une autre étoile filante, James Dean, devenu mythe en un temps record, avant de mourir tout aussi vite. Ils étaient beaux dans la splendeur de leurs 17 ans à peine, dans ce récit d’une jeunesse américaine déboussolée et leur couple fera date. Elle fut une enfant plutôt sage et digne, et l’adolescente aux traits réguliers et apaisants aura l’aspect de la jeune fille de bonne famille, cultivant un air candide, n’empêchant pas la détermination. En 1956, John Ford la choisit pour être sa Prisonnière du Désert, encore face à un autre monstre sacré, John Wayne, qui la prendra sous son aile, sentant sûrement la fragilité enfouie de la jeune star précoce. Ce western flamboyant lui donne davantage de poids et le public ne peut plus ignorer désormais qu’elle entre dans la cour des grands. La Warner l’engage pour un contrat de sept ans, dans des emplois taillés sur mesure pour cette jolie brune aux yeux noirs, fraîche, dotée d’un visage radieux, juvénil et inspirant la douceur. Natalie Wood avait ce mélange rare de séduction non agressive, de finesse et de charme indéfinissable. Sur les rails du succès, elle noue quelques liaisons avec de beaux jeunes hommes comme Elvis Presley (avant même qu’il ne devienne le rocker numéro un des sixties), Nicholas Ray son metteur en scène de la Fureur lui fera aussi un temps tourner la tête, mais c’est avec Robert Wagner, un prometteur brun ténébreux rencontré sur un plateau, qu’elle vit son plus grand amour, aux premiers jours de sa majorité. Ils se marient trop vite, trop pressés de goûter au bonheur conjugal et hélas, divorcent en 1962, sans avoir pris le temps nécessaire pour construire une union vraiment durable. Le destin les remettra plus tard dans le même bateau, mais ça c’est une autre histoire…

Elle était si jolie avec ses dents de perles fines et naturelle aussi (une qualité extrêmement rare dans le cinéma américain de cette époque), qu’Elia Kazan lui offrit son plus beau rôle à 23 ans dans La Fièvre dans le sang. Celui d’une jeune fille « à problèmes », en demande d’amour brusque et désespérée, ne jurant que par un seul homme, joué par Warren Beatty, d’une renversante beauté. Ce film magistral et cruel sur les illusions perdues et les coeurs brisés est non seulement écrit avec une sensibilité étonnante, mais Natalie y montre une puissance de jeu inoubliable. Pour l’occasion, elle obtient une nomination aux Oscars, l’Académie ne votera pas majoritairement pour qu’elle l’emporte malheureusement, par contre son statut lui permet de décrocher les films les plus excitants du moment. A commencer par un certain West Side Story. La comédie musicale sort en 1962 avec sa musique grandiose de Léonard Bernstein, Natalie incarne la portoricaine Maria, romantique, poignante et populaire, elle remporte un phénoménal succès et une adhésion immédiate du public. Dix Oscars pour le film, pas un seul pour elle à nouveau. Sur sa lancée, elle apparaît dans un autre musical Gipsy , tout entier écrit pour elle et racontant la vie d’une strip teaseuse du nom de Gipsy Rose Lee, les chansons y sont moins brillantes, mais sa prestation confirme à nouveau son talent inné (et très travaillé aussi) pour la danse, après tout sa première formation. Ensuite, elle côtoie Steve Mc Queen dans une comédie sentimentale raffinée et délicate (comme elle) Une certaine rencontre et embarque dans l’aventure de La plus grande course autour du monde , grosse production au budget dantesque qui sera son premier flop notable. Elle y fait la fofolle déjantée avec sûrement trop peu de nuances pour convaincre, les gens l’ont catalogué désormais dans les compositions dramatiques qui ont ancré sa légende.

La particularité du jeu de Natalie Wood se situe quelque part entre le charme un peu fébrile et introverti et son opposé, c’est à dire l’expression vive d’émotions éclatantes. On la voit passer du calme apparent à des sautes d’humeur et à des crises de nerfs débordantes, comme en témoigne surtout deux films phares de sa carrière: Propriété interdite en 1966 dans lequel son personnage est prisonnière d’une mère abusive, et le magnifique Daisy Clover, sorti en 1967, et qui met en scène une actrice en proie à de fréquents problèmes mentaux et qui pète des plombs en pleine séance de postsynchronisation (une séquence terrible la montre hurlante et déchainée, où elle fait peur à voir!). Le souci, c’est que ces beaux rôles lui collent trop à la peau, finissent par la ronger de l’intérieur, car ils lui ressemblent hélas en creux. Toute sa courte vie n’a été vécue que pour le cinéma et jamais elle n’a appris à faire autre chose que simuler, faire semblant de, sa santé mentale a payé un lourd tribut de cette existence faussement dorée. En réalité, elle accumule de plus en plus de troubles, d’instabilité et pour essayer de comprendre son mal être, elle multiplie les séances de psy, sentant son âme se détériorer insidieusement. Alors, après un autre long métrage plutôt moyen Bob et Carole, Ted et Alice, sorti en 1969, elle prend une décision radicale et croit-elle miraculeuse: s’éloigner de ce métier qu’elle pratique depuis plus de 25 ans, pour enfin trouver un sens à sa vie de femme, et tenter de comprendre quel avenir elle souhaite construire. Elle renoue avec une part de son passé en se remariant avec Robert Wagner, qu’elle n’a jamais cessé d’aimer au fond, ils ont une fille ensemble et Natalie semble au départ du moins retrouver un semblant de joie de vivre. Nous sommes en 1972, elle a 34 ans, et sa carrière est donc à l’arrêt, selon son bon vouloir.

Il est clair que le désarroi ressenti par la comédienne qu’elle a toujours été, vient avant tout de sa permanente implication dans des personnages eux mêmes à la limite de craquer, et quand sa jeunesse a commencé à s’effilocher, elle a vu les premières rides arriver avec une peur panique, l’impression soudain fugace de n’avoir été qu’une image projetée sur un écran, et tout le temps passé à être une autre ne pourra jamais se rattraper. Dans sa vie d’épouse, elle n’aura pas autant de chance que pour sa carrière, un coup elle est heureuse auprès de son mari, un autre elle doute de lui et de son amour et de vieux démons viennent la torturer et la convaincre que cette union faite de fréquentes disputes ne pourra jamais tout à fait la stabiliser. Wagner est jaloux, colérique, et leur second mariage traverse des hauts et des bas, accentués par l’inactivité quasi totale de Natalie (au cours des années 70, elle n’a presque rien tourné). Hollywood finit par l’oublier aussi, la nouvelle génération d’actrices la remplace sans mal, et aucun metteur en scène ne daigne la solliciter. Elle est devenue comme une has been, pourtant sa beauté n’est pas encore complétement envolée. Il faut attendre 1979 pour la revoir à l’affiche d’un film catastrophe, Météor, mais à part pour le plaisir de jouer avec Sean Connery, elle n’a presque rien à se mettre sous la dent , tant son rôle est décoratif et indigne de ses capacités. Elle se tourne alors vers la télévision où elle aura quelques répliques à déclamer dans des téléfilms peu marquants. Bref, sa belle trajectoire de succès est bel et bien derrière elle, et en 1981, elle signe pour une oeuvre de science fiction Brainstorm, qu’elle doit jouer aux côtés d’un jeune acteur débutant et prometteur Christopher Walken. A quelques jours de la fin du tournage, le 28 novembre, elle est rejointe par Wagner pour un week end détente sur leur yacht le Splendor, au large de l’Ile Catalina. Après une soirée arrosée et une énième dispute avec son mari, supportant mal les rumeurs d’une supposée idylle avec Walken, Natalie disparaît en pleine nuit de la cabine de leur bateau et ne sera retrouvée qu’au petit matin, dans les eaux glaciales du Pacifique. L’autopsie conclut à une noyade. Accident? Suicide? Personne n’a pu dénouer le vrai du faux, ni au moment des faits, et pas davantage quarante ans après. Même Wagner fut accusé d’homicide, sans preuves formelles toutefois, et l’enquête fut classée sans suite. Ironie du sort de cette fin tragique: Natalie avait toute sa vie nourri une peur démesurée pour l’eau et c’est pourtant l’océan qui va l’engloutir définitivement à seulement 43 ans. Elle avait atteint son but: enfin pouvoir se reposer, en espérant que la mort lui apporterait le répit dont elle avait si souvent manqué.

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