Dans un Fort de Georgie, le major Penderton ne désire plus depuis longtemps sa splendide épouse Leonora, une femme au caractère trempé, et qui a du coup pris un amant, le lieutenant colonel Langdon, lui même marié à Alison, une femme perturbée mentalement. Un jeune soldat, Williams, va venir troubler cet univers fait de désirs inavoués et de frustrations…
D’après le sulfureux roman de Carson Mc Cullers, un auteur au style proche de celui de Tennessee Williams, le réalisateur John Huston signe là une des oeuvres les plus fascinantes de sa carrière, mais aussi de tout le cinéma américain. Tourné et sorti à une époque où Hollywood subissait un changement radical dans son mode de productions et devait contrer la télévision, ce splendide drame psychologique explore la folie ordinaire et ses déviations multiples, à travers une galerie de personnages rongés par leur névroses (mentales ou sexuelles), se débattant dans une solitude incommensurable. Dans une ambiance très Proustienne, se croisent un commandant d’armée impuissant en tout (à baiser sa femme, à monter à cheval, à assumer ses penchants homosexuels refoulés), une épouse de colonel atteinte de dépression grave, une autre hystérique et décomplexée, et enfin un jeune militaire exhibitionniste et fétichiste. Ce catalogue de « perversions » étaient traitées là avec une force et une audace peu communes par l’auteur des Désaxés, aboutissant à un conte oppressant et complexe, dont on n’a pas fini de découvrir la richesse.
L’intelligence de Huston se retrouve dans sa capacité à ne pas porter de jugements sur ses êtres égarés et passablement « grotesques » (en tout cas comme ils sont vus par le prisme de l’oeil d’or!), à ne pas verser dans la caricature facile et la psychologie de comptoir. Grâce à une narration pleine d’ambiguïté et de non dits, à un parti pris esthétique original (la pellicule aux couleurs sépias désaturées donnant cet aspect « doré » aux images). Mais également par la miraculeuse interprétation de stars du calibre d’Elisabeth Taylor (définitivement meilleure dans le registre dramatique) et surtout de Marlon Brando, captivant dans un de ses rôles les plus sombres. N’oublions pas le troublant Robert Forster, nu sur son cheval, dans une séquence d’anthologie. Envoutant et déroutant: c’est bien ce que l’on appelle un diamant noir!
ANNEE DE PRODUCTION 1967.