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ALAIN DELON

1935/ ?

Alain Delon est né en Novembre 1935 dans le département des Hauts de Seine et fut le fruit d’un grand amour que ses parents vécurent intensément, jusqu’à ce que leur enfant unique ait l’âge de cinq ans. Le temps du bonheur a ensuite peu à peu laissé la place à une enfance difficile, à être témoin des déchirements de ce couple jadis uni et qui finira par divorcer, laissant le petit Alain dans l’incompréhension et le désarroi. Dès lors, il devient bagarreur, turbulent, va être envoyé de pensionnats en internats dans lesquels il ne trouve pas sa place, et ses carences affectives ne feront que se creuser. Il semble allergique aux études et du coup à 17 ans, ne sachant pas quelle voie suivre, il s’engage dans la Marine Nationale et part faire la guerre en Indochine. Ses parents n’ont émis aucune objection, comme si les dangers qu’il courait là bas étaient moins importants que de devoir se soucier de son avenir. Longtemps, il aura le sentiment que sa mère avait préféré l’éloigner, le mettre à part. Le jeune Delon revient en France quatre ans plus tard et pratique un tas de petits boulots dans lesquels il use déja de son charme pour séduire ceux et celles qu’il croise. Il faut avouer que la nature l’a doté d’un physique tout à fait exceptionnel: athlétique, brun, les yeux d’un bleu acier, un sourire carnassier et une allure folle. Il a tout du play boy, mais l’intelligence et l’instinct en plus, ce qui va lui permettre de tout oser. Il est repéré pour un casting en 1957 et décroche un petit rôle dans un film d’Yves Allégret Quand la femme s’emmêle. Il n’a pourtant jamais eu de velleités artistiques, mais le déclic se fait dès que la caméra est braquée sur lui: il est photogénique et ce don inné n’échappe à personne. Voila qu’il saisit donc sa chance de gagner sa vie et de mettre son ambition au service du cinéma. A peine un an plus tard, il tourne une bluette romantique Christine avec la star féminine autrichienne du moment, célèbre pour la série des Sissi: Romy Schneider. Le film n’est pas transcendant, mais Alain tombe éperdument amoureux de sa partenaire et commence alors une belle histoire qui allait durer cinq ans. La consécration en tant qu’acteur vient pour lui en 1960, il fête ses 25 ans et il tient l’affiche de Plein Soleil, un thriller trouble sur un jeune homme à la double personnalité, réalisé par René Clément. Il y est d’une époustouflante beauté.

Alain Delon (Tom Ripley)

Puis, fort de cette gloire soudaine, il capte l’attention du grand metteur en scène Luchino Visconti, subjugué par son aura, il lui écrit un scénario épatant sur une famille italienne, dont les membres vont s’aimer avant de se déchirer. Il s’agit bien sûr de Rocco et ses frères dans lequel Delon explose littéralement, crevant l’écran de son magnétisme, doublé d’un jeu intense rappelant le jeune Marlon Brando. Sauf que contrairement au monstre américain, Alain adore son métier, n’a de cesse que de vouloir s’améliorer et suit à la lettre tout l’enseignement de Visconti, homme érudit et raffiné. Grâce à lui, il fait ses premiers pas au théatre dans Dommage qu’elle soit une putain face à… Romy qui le suit partout et brûle d’une même passion: le jeu, l’incarnation. Ce moteur est aussi un des ciments de leur amour. En 1963, Alain partage l’affiche du Guépard, son second film avec Luchino, avec Burt Lancaster et la jeune Claudia Cardinale. Ce film fleuve fait le tour des festivals, est salué par la critique et le public et reste un des classiques incontournables du 7e Art. Cette fois, c’est acté, scellé, indiscutable : Delon devient une star mondiale, adulée jusqu’en Asie, intouchable, et pouvant exiger les meilleurs scripts et les réalisateurs les plus prestigieux. Au cours des années 60, il assoit son statut avec des films comme L’Eclipse signé Antonioni, La Tulipe Noire une bande d’aventures où il rayonne, mais aussi Mélodie en sous sol , un solide policier concocté par Henri Verneuil et où il fait équipe avec son idole de toujours Jean Gabin, qui le surnomme affectueusement « le Môme ». Leur duo fonctionne si bien qu’ils se retrouveront en 1968 dans le Clan des Siciliens. Niveau vie privée, Alain a quitté Romy, a bourlingué un peu, fait un enfant Anthony avec une nouvelle compagne Nathalie, a joui de sa célébrité avec l’arrogance de ceux qui ont touché les étoiles, et sachant que le plus compliqué est de durer, de continuer à exister au fil du temps. Son flair le porte vers des auteurs exigeants comme Jean Pierre Melville, un cinéaste épris des polars américains et qui l’entraine dans le projet du Samourai, en 1967. Dans ce film, Delon n’a pratiquement aucun dialogue, il joue avec son regard d’acier, dont la dureté cache une profonde vulnérabilité, et bien sûr son visage si expressif le rend irrésistible. Nouveau carton au box office, nouvelle oeuvre à rentrer dans l’Histoire. Rien ne semble pouvoir arrêter le bulldozer Delon, jusqu’en 1968… où une sale affaire va changer la donne.

C’est la pénible Affaire Markovic, du nom d’un garde du corps de l’acteur, un jour retrouvé assassiné dans des conditions plus que douteuses. Une enquête est instituée, des rumeurs enflent, les langues se délient, et Delon se voit contraint de répondre aux questions de la police, soupçonnant une possible filiation avec le milieu du grand banditisme. La vérité ne sera jamais faite, mais laissera des traces sur la personnalité même de Delon, bien qu’innocenté, en gardera toujours une blessure et une certaine méfiance envers les journalistes et la presse en général. A t on voulu le salir, lui faire payer son incroyable succès? En 1969, il refait encore sa vie avec une nouvelle femme, la comédienne Mireille Darc, tout en renouant une relation amicale cette fois avec Romy Schneider car ils sont partenaires dans La Piscine, un excellent film policier dirigé par Jacques Deray. Il entame alors avec une confiance en lui hors du commun la décennie 70, qui sera l’apogée de sa carrière et de son talent. Tout en restant fidèle à ses maitres et à ses partenaires préférés, il trace une route jonchée de triomphes, commençant par Borsalino, où il donne la réplique à son ami Jean Paul Belmondo. Les deux hommes nourrissent aussi une petite rivalité, trouvant à cette occasion une dispute qui fera date, concernant la place que chacun souhaite avoir avec son nom sur l’affiche! Au départ, ca n’a l’air de rien, mais leur brouille va jusqu’au procès. Il faut souligner qu’à compter de cette époque, Delon a tenu à tout régenter sur les plateaux, prenant les décisions d’un chef d’équipe, usant de son pouvoir pour quasiment faire le travail du metteur en scène. D’où sa réputation assez déplorable d’imbuvable prétentieux, à l’ego surdimensionné. Il trouve ses rôles les plus brillants dans Le cercle Rouge (encore avec Melville), La Veuve Couderc (qui lui permet de côtoyer la grande Signoret) ou bien Traitement de choc où il compose un inquiétant médecin dirigeant un centre de thalasso dans lequel les employés disparaissent. Bien entendu, son aisance trouve son zénith dans des personnages de flic (La race des seigneurs ou en Commissaire Borniche dans Flic Story!) comme dans des partitions plus complexes telles que Les seins de glace ou L’homme pressé, à chaque fois face à Mireille Darc. Tout lui  sourit, même lorsqu’il endosse le costume de Zorro, juste pour faire plaisir à son fils. Mais son plus beau rôle demeure celui du truand repenti et harcelé par un inspecteur coriace dans Deux Hommes dans la Ville. La scène finale de ce beau film et le regard qu’il échange avec Gabin au moment de monter sur l’échafaud a imprimé les mémoires.

L’année 1976 marque un autre tournant de taille: Alain Delon s’associe avec Joseph Losey pour Mr Klein , portrait d’un français respectable confondu par erreur avec un homonyme juif et pourchassé par les Allemands sous l’Occupation. Un rôle très fort, dense, et remarqué par la profession, même si le César du meilleur acteur lui échappe, le film repart avec les honneurs et aura une portée internationale. A partir de là, il désire encore davantage tout contrôler et gérer à sa façon son image. Pour ce faire, il devient producteur à part entière, et se met en chasse pour dénicher lui même ses projets. Jusqu’au début des années 80, il enchaine des productions de qualité inégale et au ressort un peu répétitif ( Mort d’un pourri, 3 hommes à abattre, Le Battant), tout est construit sur son seul nom, jusqu’à l’overdose. Certes, il n’a plus rien à prouver mais à trop se montrer, il lasse le public, souhaitant que son image d’éternel « beau mec indestructible » varie un peu. Sentant le vent tourner, il se fourvoie dans des activités annexes en créant une société de diffusion  de produits de luxe, évidemment vendus sous le nom d’Alain Delon. Tout est bon dans le cochon: lunettes, montres, parfums, et même cigarettes inondent les rayonnages de magasins et ce dans le monde entier! Il n’a jamais réussi à établir une vraie carrière aux Etats Unis, mais grâce à ça, son nom est partout. En 1984, il obtient enfin un César pour un rôle étonnant et  à contre emploi: celui d’un alcoolique à la dérive dans Notre Histoire que réalise Bertrand Blier. Le visage défait, les traits bouffis, il entame sa cinquantaine en montrant qu’il n’est pas fini et qu’il peut surprendre encore. Sa vie privée lui réserve des coups durs: Romy a disparu prématurément, la séparation avec Mireille Darc a été inévitable après 15 ans d’idylle, et ses rapports avec Anthony sont devenus houleux, pour ne pas dire excècrables. Progressivement, le métier change, les nouveaux acteurs remplacent les anciens, et Delon se démode, même si Godard le filme dans Nouvelle Vague (après l’avoir ignoré du temps de sa popularité fulgurante). Ce ne sera qu’un coup de pub et au final, un pensum insupportable et incompréhensible, clôturant l’année 1989. Le Phoenix peut il renaitre de ses cendres?

 

Les années 90 vont être assez terribles et marquent son déclin indéniable. Tous les films qu’il tourne sont des bides retentissants (Le retour de Casanova, Un crime, L’ours en peluche) , comme si plus rien ne semblait attirer le public dans des entreprises largement déficientes en terme de scénario, et montées uniquement sur son prestige… d’antan! Le pire échec qu’il essuiera sera Le jour et la Nuit , un invraisemblable navet engendré par le philosophe Bernard Henri Lévy, qui n’a depuis plus sévit derrière une caméra. Ne s’avouant pas vaincu, Delon accepte de reformer le duo imparable avec Bébel, et tourne dans Une chance sur deux , réalisé par Patrice Leconte, admiratif des deux légendes vivantes au point de ne pas savoir les filmer comme il se doit. Nouvel échec et cette fois, le coup est rude, car le budget alloué était gigantesque. Le nouveau millénaire arrive, le grand âge avec et le Dieu Delon raréfie ses apparitions, jugeant à tort ou à raison que le cinéma d’aujourd’hui n’est plus en phase avec son approche du métier. Alors, il devient aigri, multipliant les déclarations malheureuses et limites, sa façon de noircir systématiquement un tableau qu’il ne trouve plus en adéquation avec son passé de Star absolue. Comme il est passionné, entier et fondamentalement fidèle à son tempérament, il ne cache pas ses amitiés avec la famille Le Pen, passant de ses idées de droite conservatrice à d’autres plus radicales et plus regrettables. Il écorne son propre mythe tout en répétant à satiété combien tous les grands créateurs de sa carrière lui manque.

 

Son ultime apparition sur grand écran date de 2008 dans la superproduction Astérix aux Jeux Olympiques, où il fait preuve d’autodérision en incarnant un César arrogant et hautain. Depuis, quelques projets sans suite, des interviews où il affiche une fatigue morale et une sinistrose assez inquiétante. Car Mr Delon a beau avoir pris l’habitude de parler de lui à la troisième personne, sa complexité en tant qu’être humain cache une immense nostalgie, une hyper émotivité que l’on peut trouver touchante, et qui éclate lors de la remise de sa Palme d’Honneur à Cannes en 2019. Le sourire toujours félin, le regard juste plus triste, il a exprimé toute sa reconnaissance au public, car il a bien conscience que c’est grâce à lui qu’il a pu avoir cette longévité de quasiment 60 ans. Sa classe naturelle demeure intacte, sa fragilité se dévoile à mesure que la vieillesse le gagne, ne perdant pas de vue que sa renommée a également été possible grâce à un savant mélange: celui de la beauté pure et quasi angélique et celui du voyou insolent et dédaigneux. Il a eu beau déclarer que sa vie fut un « accident », ce fut une vie  bien remplie, riche en amours, en amitiés, qu’il a su mener comme un homme digne, droit et résolu. Mr Delon n’a pas seulement conquis nos coeurs, il a mérité son titre de monstre sacré.

 

 

 

1 COMMENTAIRE

  1. Bonjour, mon amour
    Si désolée que tu n’aies pas reçu mon petit commentaire, je le renouvèle en espérant que cette fois-ci tu pourras le lire!
    Le beau portrait que tu as rédigé sur Alain Delon m’a particulièrement touchée car comme tu le sais, il a toujours été mon idole de cinéma, l’idéal masculin dont je rêvais quand j’étais encore une jeune fille ignorante des choses de l’amour et du désir! Tu sembles avoir bien cerné la personnalité complexe de ce monstre sacré d’une beauté renversante et d’un charisme mêlé de force , une force sensuelle peu commune et d’une fragilité touchante , une nature propre à insuffler à n’importe quel rôle une dimension sensible et singulière!! Ton père s’amusait de l’effet qu’il produisait sur moi à chacune de ses apparitions sur le grand écran! il en était peut-être un peu jaloux mais c’était un jeu entre nous! De toutes façons j’avais trouvé en ton père l’homme qu’il me fallait pour accéder au bonheur! Je retrouve dans ce texte toute la sensibilité dont tu es capable et une capacité d’analyse fine et très juste, sans aucun compromis. Je regrette beaucoup pour en revenir à Delon qu’il ne soit plus présent au cinéma pour nous chavirer à nouveau et j’espère de tout coeur qu’il ne passe pas en ce moment une vieillesse trop douloureuse!! il ne le mériterait pas au regard des émotions qu’il nous fit vivre et des amours qui émaillèrent sa vie. Bravo encore pour ce travail minutieux de recherche . Je t’aime et suis fière de toi.

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