Pendant la première guerre mondiale, dans un village de la côte irlandaise, Rosy, la fille de l’aubergiste épouse Charles, un instituteur plus âgé qu’elle. Il ne parvient pas vraiment à la satisfaire sexuellement et elle s’ennuie un peu dans son couple. Un beau jour, un officier britannique très séduisant et blessé à la guerre débarque dans le bourg et Rosy tombe sous son charme, entamant bientôt une liaison adultère…
Après avoir cartonné dans le monde entier avec ses trois dernières épopées successives que furent Le Pont de la Rivière Kwaï, Laurence d’Arabie et surtout Docteur Jivago, le réalisateur multi oscarisé David Lean se devait pour ne pas décevoir les attentes entreprendre une fresque monumentale et se lança dans l’aventure de La Fille de Ryan. Autant ses autres oeuvres avaient fait l’unanimité des critiques et du public, autant cette fois deux « écoles » vont se déchirer quant à la réception du film, à l’image du conflit entre les Irlandais et les Anglais qui sert de toile de fond à l’intrigue. La première cria au génie devant ce roman d’amour « historique », la seconde trouva le résultat mitigé, voire ampoulé et beaucoup trop long. La « vérité » se situant finalement peut être entre les deux! En effet, Lean accorde une importance extrême à ses images et elles sont de fait renversantes de beauté (grâce au travail de Freddie Young), il n’est jamais pris en défaut dans sa mise en scène (toujours ample et grandiose, laissant une place dominante à la Nature, l’océan et aux éléments). De ce point de vue, La Fille de Ryan est un enchantement visuel indiscutable. Le script, voulant mélanger à la fois la romance amoureuse et les tourments de l’Histoire, peine davantage à convaincre tout à fait, contrairement à Jivago où tout s’imbriquait de façon harmonieuse. Lean oppose la force de la passion charnelle aux sentiments d’amour plus discrets et entend faire douter le spectateur (comme son héroïne, sorte de Madame Bovary irlandaise) sur la viabilité de l’un sur l’autre dans le temps.
Le réalisateur évoque, il est vrai, assez mollement l’insurrection irlandaise, mais réussit une séquence de 15 minutes d’une tempête hallucinante, filmée comme rarement et qui coupe littéralement le souffle. Et quelle belle idée de faire découvrir l’adultère de l’épouse par le biais du sable de plage resté dans son chapeau!. Quant au casting, il est peut être « inégal », du moins pas aussi attrayant qu’il aurait pu l’être, malgré un Robert Mitchum sobre dans un rôle inhabituel (celui du mari faible et passif) et de Christopher Jones, au physique certes avantageux mais au jeu crispé pour camper l’officier britannique par qui le scandale va arriver. Pour jouer Rosy, Lean préféra une actrice peu connue plutôt qu’une star (choix discutable finalement) et engagea Sarah Miles, charmante et correcte dans sa partition, mais à qui il manque du charisme et qui ne fera d’ailleurs pas la carrière que lui promettait ce joli rôle. Par son esthétique et sa puissance sensorielle, La Fille de Ryan ravira en tout cas les cinéphiles et les incurables romantiques, malgré sa réputation de film « mal aimé ».
ANNEE DE PRODUCTION 1970.
