Mike et Anna sont deux acteurs, amants et tournent ensemble « La maitresse du lieutenant français ». Charles et Sarah, leurs personnages de cinéma, entretiennent une liaison sulfureuse et mal vue, ressemblant étrangement à la leur. Sarah Woodruff est une femme abandonnée par un lieutenant français, hantant chaque jour le port du village de Lyme, en Ecosse. Charles est un riche héritier, tombant éperdument amoureux d’elle, troublé par son mystère insaisissable. Leur relation va modifier le cours de leur vie…
Auteur du très beau Isadora, le britannique Karel Reisz s’empare ici d’un roman de John Fowles, s’entoure pour le scénario d’Harold Pinter et propose un double récit romanesque sur deux histoires d’amour, vécues à deux époques distinctes. L’une étant un drame dans l’Angleterre victorienne corsetée et engluée dans ses principes rigides, l’autre contemporaine mais mettant en scène à nouveau un couple adultère, vivant leur liaison dans la clandestinité. Cette habile mise en abime, cher au style de Pinter, se déroule assez harmonieusement pour laisser percer l’émotion, et Reisz déploie des trésors d’ingéniosité pour offrir un spectacle idéal, destiné aux incurables romantiques. Le chef opérateur Freddie Francis a fait un travail remarquable sur la photographie et les images somptueuses sont pour beaucoup dans la réussite de ce film, enchainant des plans ressemblant à des toiles de maître, des peintures de paysages extraordinaires, forcément dépaysantes. (La séquence au bout de la jetée, lorsque l’héroïne défie les éléments et se retourne, le visage entouré d’une cape noire, demeure un superbe passage très cinématographique).
L’idée d’avoir mélanger le film historique et sa reconstitution lors d’un tournage déconcerte tout d’abord, puis prend tout son sens, dans la façon de comparer deux époques et de démontrer que la force des sentiments éprouvés ne change pas radicalement. Enfin, Reisz dirige deux comédiens à l’aube d’une carrière exemplaire: Meryl Streep d’abord, en femme abandonnée, déçue par l’amour mais entrainant dans son désarroi un homme promis à un mariage de raison. Elle capte la lumière avec beaucoup de présence et de magnétisme dans une composition subtile. Face à elle, Jeremy Irons la seconde admirablement, déja doté de capacités de jeu impressionnantes. La destinée de ces amants magnifiques promet aux spectateurs les grands sentiments que l’on voudrait tous, un jour, pouvoir ressentir et partager.
ANNEE DE PRODUCTION 1981.