Ferrand, réalisateur modeste mais expérimenté, tourne un mélodrame Je Vous Présente Pamela, aux studios de la Victorine. Le tournage commence avec son lot d’histoires internes, ses différents corps de métier (script girl, accessoiriste, acteurs, producteur), faisant s’imbriquer la vie et la fiction, avec ses imprévus, les caprices des uns et les doutes des autres… La création doit pourtant continuer coûte que coûte…
En amoureux absolu et inconditionnel du cinéma, François Truffaut ne pouvait manquer l’occasion de réaliser un beau jour un film sur cet art qui fut toute sa vie, sa passion numéro un et avec La Nuit Américaine, il a réussi haut la main son pari de restituer l’ambiance d’un tournage, la préparation fiévreuse d’une oeuvre, la création en train de se faire. Il choisit de montrer une production en studio plutôt que la forme « Nouvelle Vague » qu’il a pourtant fait naitre, et même si le film qu’il prépare (Pamela) n’est pas destiné à devenir un chef d’oeuvre, c’est un prétexte pour simplement décrire le processus et l’élaboration d’un long métrage. Il souligne les côtés éphémères de ce métier singulier (les rencontres sans lendemain, les rapports noués qui se perdent à la fin du tournage), mais glorifie aussi la magie du cinéma (la fébrilité lorsqu’il faut relever des défis, trouver des solutions afin de rendre vivante une matière, animer toute une équipe et la garder soudée). Pas de réthorique inutile, pas de spectaculaire, sa mise en scène demeure légère, aérienne, enchainant les séquences avec brio et n’oubliant jamais de mêler l’humour à la gravité. Le scénario semble compiler des situations peu structurées en apparence, en réalité l’écriture est d’une fluidité magnifique et allie deux points cruciaux: l’intelligence et le divertissement total. Pointant du doigt les illusions de son métier (expliquant aussi son aspect artisanal), Truffaut nous offre un poème d’amour, autant qu’un bel autoportrait lucide et touchant.
Ca et là, il ponctue en clins d’oeil des hommages à ses maitres (Cocteau, Welles, Rossellini, Hitchcock) et dirige toute une troupe de comédiens fabuleuse, venus d’horizons différents. De Jacqueline Bisset (belle à croquer) à Jean Pierre Aumont (en acteur vieillissant mais au charme intact), de Valentina Cortese (formidable en actrice perdant sa capacité à jouer) à Nathalie Baye (la script girl fonceuse et toute mignonne est un de ses premiers rôles importants). Jean Pierre Léaud continue sa collaboration avec Truffaut avec ses airs lunaires et attachants. On retient pour toujours un film bouillonnant de vie, de vérité, dont la mise en abyme nous emporte irrésistiblement. Comme un train lancé dans la nuit. Une nuit merveilleuse que les années n’altèrent en rien.
ANNEE DE PRODUCTION 1973.
Ahhhhh, la nuit américaine dans La Nuit Américaine…Tout un poème… 😉