Joe Lampton s’installe à Warnley, petite ville anglaise, avec une obsession: se faire une place au soleil, quelques soient les moyens d’y parvenir. Il devient l’amant d’Alice Aisgil, une française plus âgée que lui et mal mariée. Mais Joe flirte aussi avec Susan, la fille du plus gros industriel de la région. L’épouser serait la façon la plus sûre d’assurer son avenir. Mais sa passion avec Alice se fait de plus en plus forte…
Ce « petit » film anglais inattendu a secoué la planète cinéma à sa sortie en 1959. Son auteur, Jack Clayton, faisait ses premiers pas derrière une caméra en adaptant le roman de John Braine et propose une peinture aussi crue que violente de l’arrivisme dans l’Angleterre d’après guerre. Cette brillante étude sociale doublée d’un drame psychologique puissant s’apparente dans son style au cinéma analytique des américains William Wyler ou Mankiewicz, avec son classicisme élégant et ses plans très composés, utilisant la profondeur de champ, sans jamais délaisser l’épaisseur de ses personnages. Le jeune héros, John, rêve de sortir de sa condition pour gagner le plus d’argent possible et s’offrir un avenir en or, quitte à y laisser son coeur et ses sentiments. La réalisation de Clayton est si « réaliste » qu’elle frôle le documentaire, sachant parfaitement restituer la grise ambiance de cette ville étouffante, où chacun se connait et colporte des ragots pour « passer le temps ». A l’opposé, la passion amoureuse qui lie Joe et Alice respire la chaleur, la douceur, et les séquences charnelles sont filmées avec beaucoup de soin et de délicatesse. Bien sûr la soif d’ambition reste un sujet déjà traité, notamment dans le très beau Une Place au Soleil, mais ici la catastrophe se dessine sans doute avec encore plus de cruauté et aboutit à une tragédie inéluctable.
En jeune loup aux dents longues, Laurence Harvey, un très bon acteur hélas mort trop tôt, fait la démonstration de son talent en passant de l’homme cynique à l’amoureux sincère et ne démérite pas face à sa prestigieuse partenaire, notre Simone Signoret nationale. L’actrice trouve là le rôle charnière de sa carrière, quelque part entre Madame Bovary et une Lady Chatterley mûre, et bouleverse par son jeu sensible, précis, arrivant comme une consécration sublime pour elle. Jusqu’à Hollywood, elle impressionna critiques et public et décrocha l’Oscar de la Meilleure Actrice, le premier pour une française avant Binoche et Cotillard! Les Chemins de la Haute Ville annonce aussi l’arrivée du « free cinéma » britannique dont l’éclosion au cours des années 60 allait s’affirmer. Un grand « petit film » donc!
ANNEE DE PRODUCTION 1959.