Marie Jo a deux amours dans sa vie: Daniel, son mari, entrepreneur en maçonnerie, et Marco, son amant, marin pilote dans le port de Marseille. Elle les aime autant l’un que l’autre et son bonheur serait total si elle pouvait avouer son amour pour Marco à son mari. Ce dernier découvre la liaison par hasard et en souffre bien sûr. Marie Jo est de plus en plus perdue…
Une fois n’est pas coutume, le très engagé socialement Robert Guédiguian troque son discours politique pour aborder cette très belle histoire d’amour(s) et lui donne l’aspect d’un mélodrame déchirant. Rien que ça! Le récit nous entraine au coeur d’un triangle amoureux classique (la femme, le mari, l’amant), pourtant le traitement y est si passionnant, si original qu’il atteint des sommets de beauté inexplorés jusque là par le célèbre réalisateur marseillais. Dressant surtout un portrait féminin précis et sans le moindre jugement moral, il compose une oeuvre intimiste sur la déroute sentimentale d’une femme, déchirée et incapable de choisir entre ses deux hommes. Ce dilemme mortifère lui fait côtoyer la joie autant que la douleur la plus extrême. Guédiguian filme beaucoup les corps nus de ces personnages, ces gens du peuple à la vie modeste, et qui s’épanouissent dans l’amour physique. Ces séquences de nudité sont d’une délicatesse quasi caressante, la caméra ne se veut pas intrusive, mais accompagne les passions charnelles.
Les très jolies images signées Renato Berta, souvent dans un clair obscur approprié, montrent autant les ruelles et le port de Marseille, aux abords de l’Estaque (le quartier de toute sa filmographie ou presque), les peaux qui se touchent, les yeux qui se parlent, etc…Ancré dans la réalité, le film fait penser au romantisme absolu d’un Truffaut, sans verser dans les pires poncifs de l’adultère. Sûrement que l’actrice et muse de Guédiguian, la toujours extraordinaire Ariane Ascaride, apporte tant de sensibilité et de nuance dans son interprétation qu’elle en sublime le sujet. Mais les hommes non plus ne déméritent pas: Gérard Meylan et surtout Jean Pierre Darroussin en mari blessé et souffrant en silence livrent un jeu parfait. Probablement le plus beau film de son auteur, après Marius et Jeannette. Et cette fin aux accents de tragédie grecque emporte tout sur son passage.
ANNEE DE PRODUCTION 2002.