Janvier 1942, pendant l’Occupation allemande à Paris, Robert Klein, un Alsacien rachète des oeuvres d’art à bas prix. Un jour, il reçoit à son nom un journal Les informations Juives, seulement délivré par abonnement. Il découvre bientôt qu’un homonyme juif utilise son nom, et décide de remonter la piste qui le mènera à cet inconnu.
Oeuvre d’une belle complexité et très riche dans ses diverses thématiques, Mr Klein demeure le dernier très grand film de Joseph Losey. Le cinéaste nous plonge dans l’univers inquiétant du Paris de l’Occupation, pose le problème de l’identité juive et tisse le fin portrait d’un homme bien sous tous rapports, pris pour un autre et devenant du coup une des proies idéales des nazis. Le héros se retrouve dans un tourbillon d’événements dignes de Kafka, dans une société malade, gangrénée par l’antisémitisme, le rejet de l’autre et la méfiance excessive. Losey s’attache à décrire cet affairiste vacillant, malgré ses certitudes et sa vie bien établie, prisonnier d’un « double » dont il cherche à découvrir l’identité. Magistralement mis en scène par l’auteur de The Servant , le film débute et se clôt de manière glaçante, montrant combien être juif à cette époque signifiait être en sursis permanent. Grâce à une reconstitution d’époque minutieuse et un script particulièrement malin et déroutant écrit par Franco Solinas, Mr Klein intrigue, questionne et nous entraine dans un labyrinthe sinueux, dans lequel l’absurde et la métaphysique trouvent toute leur place.
La descente aux enfers du personnage principal le met face aux réalités d’une situation qu’il préférait ignorer jusque là, tranquillement camouflé derrière son individualisme et le confronte à la peur, la paranoïa et le sentiment d’être traqué partout où il se rend. Losey fut bien inspiré de retravailler avec l’acteur qu’il dirigeait déjà dans L’Assassinat de Trotsky. Alain Delon, également producteur du projet, est en effet saisissant dans ce rôle, restant un des plus forts de sa carrière. Il y excelle par sa sobriété et l’ambiguité de son jeu fait merveille. Pour une rare fois, sa « beauté » ne parasite pas l’intrigue et il la sert au contraire remarquablement. Le film fut un demi échec à sa sortie, mais gagna cependant deux Césars majeurs (meilleure oeuvre et meilleur réalisateur) et a acquis très justement ses lettres de noblesse avec les années. A voir et à revoir absolument donc.
ANNEE DE PRODUCTION 1976.