Originaires du Montana, les frères Phil et George Burbank sont diamétralement opposés. Phil est brillant mais cruel et cassant, George flegmatique et bienveillant. A eux deux, ils sont à la tête du plus gros ranch de la vallée. Lorsque George épouse Rose, une jeune veuve, Phil le prend très mal et se met en tête d’anéantir celle ci. Il se sert de son fils, Peter, garçon sensible et efféminé, comme d’un pion dans sa stratégie sadique. Mais Phil a un secret enfoui au fond de lui qui va changer la donne…
Depuis plus de douze ans, la réalisatrice australienne (et seule femme détentrice de la Palme d’Or à Cannes jusqu’à Julia Ducourneau, l’an dernier) Jane Campion n’était pas repassée derrière la caméra. C’était pour Bright Star. Pour son retour au cinéma, elle ne choisit pas la facilité et met en scène un scénario assez complexe, tiré d’un roman de Thomas Savage, déroutant au départ, et aux allures de western métaphysique. La première heure, lente et austère, n’évite pas une certaine mollesse, comme si elle tâtonnait son récit pour mieux le polir ensuite. Elle multiplie les non dits et les zones d’ombres de ses personnages, quasiment jusqu’à l’abstraction, ce qui peut laisser de marbre ceux qui aiment la clarté. Puis, dans une seconde partie (plus intéressante et plus prenante), le film vire subtilement à une ambiance homo érotique, très portée sur les fétiches (les ceintures en cuir, les foulards, la corde), et mine de rien traite de thèmes passionnants comme l’adolescence meurtrie, la difficulté de s’épancher, le regard des autres et l’acceptation de soi. Des sujets que l’on trouvait déjà dans deux oeuvres majeures de Campion: Un Ange à ma table et surtout sa fabuleuse Leçon de Piano.
Que cache la virilité exacerbée de Phil, homme antipathique et rustre, et quel fut son passé? Au fil de la narration, les masques tombent et révèlent une sensibilité sous terraine touchante. La cinéaste est forte lorsqu’il s’agit de sonder l’âme humaine, d’en tirer une poésie singulière. Les images des montagnes enneigées et désertiques du Montana sont d’une grande beauté formelle et les plans de natures aussi dépaysants que fascinants. Au niveau de l’interprétation, Benedict Cumberbatch et Kirsten Dunst livrent de belles performances. Il est juste dommage que le film manque d’équilibre et ne soit pas égal sur ses deux heures de projection. En tout cas, on peut aisément se réjouir du retour d’une réalisatrice que l’on aime beaucoup. Visible sur NETFLIX.
ANNEE DE PRODUCTION 2022.