Dans un petit village du Sud Ouest, Thomas, treize ans, vit avec sa mère Lili qu’il aime plus que tout. Adolescent difficile, il ment souvent pour attirer l’attention sur lui. Un jour, il croise dans la nature la route de Martin, délinquant en fuite, qui lui demande de lui rapporter de l’argent au plus vite.
Avec son titre énigmatique de polar, Le Lieu du Crime brouille pourtant les pistes d’entrée de jeu, lorsqu’on comprend que cette oeuvre signée André Téchiné se place plutôt du côté du drame familial intense. Cinq ans après Hôtel des Amériques, il pose sa caméra dans la campagne de sa jeunesse, non loin d’Agen, et nous conte cette histoire d’un adolescent un peu mythomane et de sa mère, croisant le destin d’un jeune et beau taulard en cavale, avec qui les passions vont se déchainer. Téchiné présente un décor paisible, un agencement des choses trop propre pour être vrai, avant d’inclure du désordre dans la vie peu excitante de cette femme. Le scénario, bien construit, met en avant des personnages assez paumés, ne trouvant pas de sens à leur existence, jusqu’à l’arrivée de cet « intrus » révélant leur véritable nature. La mise en scène de Téchiné utilise le romanesque en veux tu en voila, tout en se voulant paradoxalement le plus réaliste possible. Dans ce huis clos « en plein air », la jalousie, la peur, la fascination et la déraison vont dominer ces êtres qui jusque là semblaient en sommeil, à l’image de l’héroïne, Lili, pour qui cette incursion du danger est un révélateur. Le Lieu du Crime, faux film de genre mais vraie autopsie de la psyché féminine et au passage adolescente avec le personnage de Thomas. Malgré la jolie photographie de Pascal Marti privilégiant les images ensoleillées, le récit s’assombrit progressivement, comme une prophétie malheureuse.
Téchiné retrouve sa muse, Catherine Deneuve, pour leur deuxième collaboration et la dépouille de nouveau de tout artifice « glamour », tentant de capter chez elle le basculement mental opéré par l’héroïne, emportée par quelque chose de plus grand qu’elle. Sa composition figure parmi ses plus nuancées et réussies. Face à elle, le jeune Nicolas Giraudi se défend très honorablement et Danielle Darrieux campe une grand mère inquiète et désemparée avec toute la maturité d’un jeu qui n’est plus à discuter. Unique petit bémol: Wadeck Stanczak, déjà présent dans Rendez Vous, qui ne possède pas la densité d’un acteur de haut niveau. Son physique avantageux rattrape un peu ses faiblesses. Enfin, la musique entêtante de Philippe Sarde nous trotte encore dans la tête, une fois le mot FIN inscrit sur l’écran.
ANNEE DE PRODUCTION 1986.
