Claude Ridder, un homme qui a raté son suicide, accepte de se livrer à une expérience scientifique, consistant à remonter dans sa mémoire, donc dans le temps, afin de revivre une minute cruciale de son existence. Mais le cobaye, perdu dans son passé dont il revit des fragments désaccordés, refuse de revenir…
Sorti en plein mois de Mai 68, au moment des événements que l’on sait et d’un Festival de Cannes mis à l’arrêt, Je t’aime, Je t’aime a été un film sacrifié et d’emblée rejeté par le public et la critique. Il faut avouer que cette première incursion d’Alain Resnais dans le genre de la science fiction est aussi ambitieuse et gonflée qu’obscure et déroutante. Si le réalisateur retrouve là des thèmes qui lui sont familiers, comme le temps qui passe, la mémoire vive ou éteinte, les bonds dans les souvenirs, il ne parvient pas toujours à les agencer de façon très compréhensible. Certes, le propos en soi se veut non linéaire et tortueux, mais les séquences s’enchainent souvent précipitamment et laisse le spectateur désemparé et quelque peu perdu. Le désir de l’auteur de Hiroshima mon amour était sûrement de tenter une méditation philosophique, de proposer une spéculation sur le temps et ses effets, mais force est de reconnaitre qu’il offre surtout un casse tête ni très crédible ni très passionnant.
Il manque en fait le soin apporté à l’esthétique comme c’était le cas dans L’année dernière à Marienbad , dont le récit aussi était touffu et sinueux, et Resnais a cette fois été un peu victime de l’originalité de son sujet. Quelque chose d’essentiel semble manquer à ce rendez vous: une âme vibrante! Le personnage, joué par un Claude Rich irréprochable, pourrait être attachant, mais il est surtout fuyant et imprenable. Reste que dans l’idée, mélanger la romance, les sentiments amoureux et la science fiction possédait sur le papier une certaine grandeur. Hélas, la froideur du film nous tient à distance et on ne s’implique pas vraiment dans les souvenirs revécus par cet homme angoissé, sentant la vie lui filer entre les doigts.
ANNEE DE PRODUCTION 1968.
