En 1542, Martin Guerre, 13 ans, épouse Bertrande de Rols, d’un an sa cadette. Ce mariage n’a pour but que d’unir deux familles de paysans aisés d’un même village. Martin néglige son épouse, ne se passionne pas pour la terre et un jour finit par disparaitre sans prévenir. Huit ans plus tard, un homme se présente au village et tout le monde reconnait en lui Martin Guerre. Même Bertrande. Pourtant, bientôt, le doute va naitre dans l’esprit de chacun…
D’abord assistant réalisateur pour Lelouch, Daniel Vigne finit par se lancer à son tour derrière la caméra et remporte avec ce second long métrage un succès aussi inattendu que mérité. Partant d’une histoire vraie survenue au Moyen Age, Le Retour de Martin Guerre relate une imposture dans le monde paysan, celle d’un homme porté disparu et revenu parmi les siens, avant d’être accusé d’usurpation d’identité. Il faut avant toute chose rendre justice à la reconstitution minutieuse de l’époque, apportant une indubitable véracité au propos, le soin accordé aux costumes et à la photographie rappelant, par moments, des tableaux de La Tour avec ses couleurs chaudes. Au niveau du scénario, Vigne a collaboré avec un des meilleurs dans ce domaine: Jean Claude Carrière, féru d’Histoire et rendant son script aussi attrayant que passionnant. A la jonction entre un drame intimiste et une affaire judiciaire où tous les doutes sont permis (le héros est il coupable? Innocent?), le suspense restant entier jusque dans l’ultime quart d’heure. Certes, Vigne manque sûrement d’un peu de personnalité dans son traitement et cède à l’académisme assez facile, consistant à « fabriquer » un produit de qualité et destiné à un public très large, sans souci d’originalité particulière. Toutefois, la sauce prend sans difficulté et l’on croit aisément à cette intrigue nous réservant son lot de coups de théâtre.
En épouse dubitative puis conquise, Nathalie Baye occupe son rang avec une belle tenue et délivre les émotions requises, accompagné de seconds rôles forts endossés par Roger Planchon, Dominique Pinon, Tcheky Karyo, Bernard Pierre Donnadieu, Maurice Barrier. Mais la force du film semble toute entière concentrée sur la puissante incarnation de Gérard Depardieu, ambigu, imposant, tout le temps intense et qui cannibalise presque l’ensemble. A tel point que quand il n’est pas dans le plan, l’intérêt diminue instantanément. Martin Guerre connut un joli succès au box office et attira la curiosité des américains au point d’en faire un remake fade, Sommersby, que tout le monde a oublié.
ANNEE DE PRODUCTION 1982.