Hollywood, années 30. La vedette Frances Farmer scandalise par son anti conformisme, ses multiples liaisons et ses rapports étroits avec le parti communiste. Actrice de grand talent sur les planches, elle veut conquérir le cinéma, mais la « machine à rêves » ne va pas lui pardonner ses « écarts » et tout faire pour la détruire en pleine ascension…
Graemme Clifford, réalisateur et scénariste australien, n’est pas parvenu à creuser son sillon et à élaborer une carrière régulière et intéressante aux Etats Unis, mais il a initié et dirigé ce film là, qui est un précieux témoignage des dérives du monde du cinéma. A travers le portrait et l’évocation de cette figure ayant réellement existé, Frances Farmer, Clifford nous entraine dans un drame profond sur la solitude d’une artiste, sur sa personnalité broyée par un système refusant les comédiennes « hors cadre », clouant au pilori toute tentative de rebellion. Hollywood a constaté que Frances ne voudrait pas se « soumettre » alors elle fut mise à l’écart, montrée du doigt comme une pestiférée et fut enfermée dans des rôles médiocres, indignes de son immense talent. Dépassant le simple biopic très à la mode aujourd’hui, le film est davantage un plaidoyer pour la dignité humaine, pour la liberté de chacun d’exprimer sa vérité quitte à déranger. La mise en scène n’a rien de fabuleuse, elle frise même l’académisme, mais le spectateur est happé malgré tout par ce destin hors du commun.
La dureté de cette vie brisée est incroyablement bien rendue par la performance de Jessica Lange, découverte dans le remake de King Kong, et ici en pleine maitrise de ses capacités d’actrice dramatique. Fièvreuse, brûlante et passionnée, elle rend superbement justice à Frances, à la fois en l’incarnant avec force, mais aussi en apportant une vérité poignante. Ses partenaires, Sam Shepard dans le rôle de son confident et ami de toujours s’avère un peu plus fade, par contre Kim Stanley compose une mère toxique et destructrice qui fut pour beaucoup responsable de la déchéance de sa fille. Les séquences dans les asiles d’aliénés possèdent un réalisme effrayant et les longues années de souffrance de cette femme coupable de ne pas avoir voulu rentrer dans le moule sont décrites avec précision et acuité. Cette existence gâchée nous bouleverse et témoigne de l’envers du décor d’un Hollywood impitoyable, gangréné par le profit, dominé par les hommes et englué dans un « politiquement correct » insupportable. Un film généreux et courageux.
ANNEE DE PRODUCTION 1982.