Elisabeth et Simon forment un couple très amoureux depuis quelques mois. Ils fréquentent un autre couple, Judith et Jérôme, pasteurs et mariés depuis dix ans. Un soir, Simon expire dans les bras d’Elisabeth. Un médecin vient confirmer le décès, pourtant peu après, Simon « revient » comme ressuscité et reprend sa vie avec son épouse. Les deux couples se questionnent sur leurs angoisses et leurs doutes, entre foi et athéisme…
Avec cet opus aussi beau qu’étrange, Alain Resnais ajoute une pièce maitresse à une oeuvre déjà bien fournie et collabore au scénario avec Jean Gruault, un des complices de Truffaut, pour conter ce chant à quatre voix, le portrait saisissant de deux couples, vivant chacun à leur manière leur rapport à la mort. Le film démarre par le décès de l’un d’eux devant les yeux horrifiés de sa compagne, avant qu’on ne le voit « revenir » d’entre les morts et reprendre son existence, presque comme si de rien n’était. Cette expérience lui fait ressentir doublement les choses, donne à son amour une densité jamais atteinte, lui ajoute un regain de vie dont il veut profiter à plein… mais la mort rôde toujours, comme si elle ne voulait pas le lâcher! Resnais traite de métaphysique avec austérité et sensibilité, interrogeant notre propre croyance, questionnant notre rapport à l’au delà. Sans recourir aux alibis romanesques ordinaires et convoquant même une part de « fantastique » inexpliqué, l’auteur de Nuit et Brouillard signe surtout un film d’amour absolu, tourné en Scope, dans les tons rouges et noirs et se révèle aussi une expérience d’ordre musical, avec la partition de Hans Werner Henze, ressentie comme une part organique de l’ensemble.
Resnais apporte beaucoup de soin à ses images, entrecoupant les séquences des personnages vivants avec des plans noirs, parsemés de flocons de neige non identifiés, comme si des âmes en suspens hantaient l’espace. Comme d’habitude, il accorde enfin une immense attention à ses comédiens et dirige un quatuor sublime, le même que l’on retrouvera pour Mélo deux ans plus tard, composé de Pierre Arditi (obsédé et habité), André Dussollier et Fanny Ardant en pasteurs à la conception de la foi bien différente, et surtout Sabine Azéma, émouvante dans un de ses rôles les plus fiévreux, amoureuse victime d’un impossible deuil. D’un inconfort radical, L’amour à Mort se ressent et se vit comme une plongée profonde dans l’inconnu, ce grand mystère qui nous attend tous et qui nous fascine autant qu’il nous effraie.
ANNEE DE PRODUCTION 1984.
