Une actrice va jouer Barbara. Le tournage va commencer. Elle travaille son personnage, sa voix, les chansons, les gestes, les partitions, les scènes à apprendre… Le réalisateur aussi travaille de son côté par ses rencontres, avec l’aide des archives, et se laisse submerger et envahir par l’artiste qu’il a tant aimé…
Barbara ne prend aucune des directions que l’on pourrait attendre d’un film « biographique » sur la « Longue Dame brune » de la chanson française. D’entrée, on comprend qu’il s’agit d’un faux biopic, mais plutôt d’un vrai portrait de femme: plus précisément d’une actrice en train de rentrer en possession du personnage, afin de l’incarner au plus près. Et Matthieu Amalric s’éloigne du simple récit linéaire à la narration attendue (naissance, ascension, gloire et mort de l’artiste), il propose un scénario « éclaté » avec des disgressions, des archives réelles de la vraie Barbara mêlées à d’autres recrées, des séquences où l’on perd ses repères (est ce le film en train de se tourner? un documentaire?), et nous sommes entrainés dans un hommage vibrant à la chanteuse très originalement construit. L’acteur metteur en scène se penche aussi sur une réflexion autour de la création artistique, du processus lent et fastidieux que demande la fabrication d’un film, d’une chanson, d’un récital. Ce jeu de miroirs envoutant nous permet de réentendre bien sûr certaines des plus belles mélodies de Barbara, soit par la propre voix de l’interprète soit par celle de Jeanne Balibar.
Car évidemment, Jeanne Balibar s’empare de cette personnalité exceptionnelle avec la grâce et la finesse qu’on lui connait, en plus de lui ressembler physiquement, elle en restitue l’essence intime et torturée parfois. Dirigée avec audace et poésie par celui qui la connait sûrement le mieux (ils furent partenaires de jeux et en couple dans la vie réelle), La Balibar donne tout à Amalric, également devant la caméra dans le rôle du réalisateur (une belle mise en abyme donc!). Elle remporta le César de la meilleure actrice avec toutes les éloges de la presse unanime. Cette radioscopie sensible irritera peut être ceux qui préfèrent les drames académiques que sont la majorité des biopics ‘traditionnels ». Une femme et une chanteuse hors pair méritait bien un film aussi singulier qu’elle.
ANNEE DE PRODUCTION 2017.
