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CATHERINE DENEUVE

1943/?

Catherine Deneuve, née d’Orléac, nom de son père le comédien Maurice D’Orléac vient au monde en Octobre 1943, en pleine Occupation Allemande. La famille est issue d’un milieu aisé et artistique, ce qui va jouer dans le destin de Catherine, mais aussi de sa soeur Françoise, très tôt décidée à devenir actrice. Ses premières apparitions devant la caméra se feront dans des oeuvrettes insipides aux titres évocateurs Les Collégiennes, Les Parisiennes, L’homme à femmes, etc…, dans lesquelles elle ne fait que montrer un joli minois d’adolescente blonde fort ravissante, mais au jeu limité. Elle n’est pas passionnée par ce métier contrairement à son aînée, et tourne plus par désoeuvrement et pour suivre le mouvement que par réelle vocation. Il faut attendre 1962 et sa rencontre avec Roger Vadim, qu’elle épouse, pour obtenir un rôle un peu plus consistant dans un de ses films: Le vice et la vertu. Face à Annie Girardot , elle incarne la vertu et sa plastique parfaite de jeune femme va impressionner le public, sans pour autant la propulser Star.

Le vrai déclencheur intervient au Festival de Cannes 1964, où elle est la vedette d’un film très atypique, signé Jacques Demy, et qui va remporter la Palme d’Or Les parapluies de Cherbourg. Une comédie musicale, où tous les dialogues sont chantés par les personnages, décrivant ainsi leurs émois amoureux, leurs états d’âmes, et leurs moindres secrets. D’un grand romantisme désespéré et tragique, le film fait de Catherine une véritable vedette, elle est acclamée pour sa beauté éclatante d’abord, mais aussi pour l’audace du projet, risqué sur le papier. De là, sa carrière prend une dimension bien plus conséquente, et elle a souvent avoué avoir vraiment découvert son envie d’être actrice grâce à Demy. Les années 60 seront pour elle sources de grand bonheur professionnel avec des collaborations chez Rappeneau La vie de château , dans le drame romantique Mayerling, et surtout dans le thriller psychologique Répulsion de Roman Polanski en 1965. Elle y incarne une jeune anglaise schizophrène, basculant le temps d’un week end dans une folie meurtrière. Sa prestation est impressionnante et les critiques commencent à voir en elle autre chose qu’une simple belle blonde, elle prouve qu’elle sait jouer des partitions aux antipodes les unes des autres. Côté vie privée, hormis la naissance de son fils Christian, elle cumule deux coups durs, sa séparation d’avec Vadim d’abord et surtout la mort affreuse de sa soeur adorée Françoise dans un accident de la route. Elle avait eu juste le temps de tourner avec elle un grand classique Les Demoiselles de Rochefort , encore sous la direction de Demy. Le tube qu’elles entonnent Nous sommes deux soeurs jumelles fera le tour du monde et scellera leur seule collaboration à l’écran. Catherine ne se remettra jamais vraiment de cette perte prématurée.

La vie pourtant doit continuer, et malgré son chagrin, elle enchaîne les tournages, sûrement un peu pour s’étourdir et ne pas sombrer. Le plus beau rôle de ces années là, c’est le grand Luis Bunuel qui le lui offre: Belle de Jour est sûrement le film qui va lui ouvrir les portes de la gloire et de la reconnaissance internationale. Cette bourgeoise fraîchement mariée qui expérimente la prostitution pour tuer le temps et se prouver qu’elle est encore une femme libre recèle des trésors de richesse, et à l’écriture et dans l’interprétation troublante qu’elle en donne. Son incontestable distinction, sa beauté saluée partout et par tous, et son port de tête en font très vite l’actrice la plus aimée des français. Elle a pour habitude de garder un voile tenace sur sa vie personnelle et ne veut pas être pourchassée par les paparazzi, pour de mauvaises raisons. Elle cloisonne et compartimente ses relations privées, protège son enfant du tapage médiatique, et se garde bien de se montrer au bras de n’importe quel homme. De ce point de vue, c’est l’anti Bardot. Bien sûr, son amour avec Marcello Mastroianni ou son idylle avec François Truffaut seront mises à jour, mais sans excès et surtout sous son contrôle strict. La décennie 70 débute et justement, elle est à l’affiche d’une quantité de films très différents, comme pour brouiller les pistes, ou pour étoffer une carrière qu’elle veut exemplaire. Les plus grands réalisateurs se l’arrachent (Truffaut en fait sa Sirène du Mississipi fatale, Demy encore pour Peau D’Ane , un conte pour grands enfants où elle est une jolie princesse nouant avec son père un lien très incestueux, Bunuel lui fait jouer Tristana,  une jeune fille prise sous le joug d’un tuteur salace et pervers dont elle va se venger, avant de malheureusement devenir infirme). Autant de rôles emblématiques qui sont la preuve irréfutable qu’elle sait tout jouer, à condition d’avoir des metteurs en scènes d’envergure. Ces années Pompidou seront celles de son activité la plus intense, même si elle ne tourna pas que des chefs d’oeuvres bien entendu.

Elle ne suscite que très peu de commentaires négatifs, si ce n’est celui récurrent et un tantinet réducteur de beauté froide, ou de grande bourgeoise un peu rigide, mais elle n’en a cure, ça la ferait même plutôt rire, car Catherine est d’une folle gaieté dans sa vie propre, une cinéphile avertie, une boute en train et une incroyable bonne vivante. Ce qui tranche avec ce qu’elle montre à l’écran, mais qui est pourtant la vérité. En 1980, elle retrouve l’ami Truffaut pour Le dernier Métro , dans lequel elle incarne une directrice de théatre pendant l’Occupation, cachant son mari juif dans une cave et tombant sous le charme sauvage de Gérard Depardieu. Bingo! Cette rencontre sera bénéfique pour tous les deux, ils obtiennent chacun un César et au cours des trente années suivantes, ils feront pas moins de 10 films ensemble! Leur complicité de jeu crève l’écran. Après ce triomphe, Deneuve passera un petit moment de creux, ce qui ne l’empêche pas de prendre des risques ( souvenez vous de la femme vampire des Prédateurs ou de l’Agent trouble de Mocky qui l’enlaidit, ce qui était un vrai pari!).

Elle est choisie en 1986 pour symboliser Marianne, en plus d’être l »égérie et amie du couturier Yves Saint Laurent, la magnifiant dans des tenues inoubliables, entérinant pour toujours son statut de star absolue. Un second César lui revient pour couronner son beau rôle d’Eliane Devries, tenancière d’une plantation d’hévéas dans Indochine, elle y sacrifie sa longue chevelure blonde pour une coupe courte idéale pour rentrer dans une cinquantaine qu’elle arbore avec superbe, comme à son habitude. Sa grande classe et son charisme lui donnent droit à de nombreux hommages, rétrospectives, et elle est souvent appelé pour présider des festivals prestigieux, dont Cannes en premier lieu. Sa plus belle collaboration demeure celle qui l’unit à André Téchiné. Il a su voir en elle au delà de la seule beauté extérieure et lui a écrit des personnages magnifiques, comme dans Ma saison préférée (elle y est bouleversante d’émotion) ou Les Voleurs en prof de philo amoureuse d’une de ses élèves. Huit longs métrages sont jusqu’à aujourd hui le fruit de leur beau travail.

Indochine
1992

Admirative des défis en tout genre, elle ne craint pas de tenir un rôle casse gueule, celui d’une diamantaire à la dérive et alcoolique, empêtrée dans un trafic de bijoux, sous la caméra de Nicole Garcia (Place Vendôme). Son remarquable numéro lui vaut le prix d’interprétation au festival de Venise en 1998, et elle ne l’a pas volé! Son image évoluant avec l’âge, elle trouve toujours des scénarios ambitieux lui permettant de durer, la Grande Catherine comme on l’appelle dans le métier possède aussi ce talent rare de cultiver une curiosité permanente, alternant les films d’auteur et les grosses productions. Sa longévité incroyable impressionne des gens aussi différents que Valérie Lemercier ou Lars Von Trier, Leos Carax ou François Ozon. Ce dernier lui ouvre les portes de la décennie 2000 dans le mythique Huit Femmes , elle y est une maîtresse de maison impeccablement habillée et maquillée, capable de dire les pires horreurs et même de rouler des patins à sa belle soeur. N’oubliant jamais de s’amuser, elle n’a pas son pareil également pour la comédie, dans laquelle son sens du rythme et son débit très « mitraillette » font merveille. Et du coup, ces vingt dernières années, elle n’a pas cessé de tourner, dans tous les genres, résistant au temps qui passe.

L’héroine qu’elle est n’a pas non plus sa langue dans sa poche, malgré une discrétion et une retenue certaine dans les médias, elle n’a pas hésité à parler politique quand elle a senti que c’était vital pour elle, et elle fut une des signataires du  » Manifeste des 343 salopes », en faveur de l’avortement. Son engagement féministe et ses ardeurs procédurières afin de protéger son jardin secret font aussi partie de sa légende. Depuis 2010, elle a dépassé le chiffre monstre des 120 films et s’est illustré dans de très beaux longs métrages, comme ceux réalisés par Emmanuelle Bercot Elle s’en va (une septuagénaire plaque tout pour retrouver un semblant de sérennité) et La Tête Haute dans lequel elle est une juge pour enfants à la fois ferme et terriblement humaine. Un succès tranquille qui ne se dément pas pour cette effigie nationale, rentrant maintenant dans une vieillesse inévitable, mais qu’elle apprivoise toujours avec dignité et intelligence. Après quasiment 60 ans de carrière, on peut parier qu’il reste à cette grande Dame de bien belles surprises à nous offrir, son éclectisme et sa rigueur mariés à vie avec ce rayonnement si particulier qui n’appartient qu’à elle.

       

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