Une actrice est à Hiroshima pour tourner un film sur la paix, 14 ans après la bombe atomique qui a dévasté la région. Elle y rencontre un japonais qui devient à la fois son amant et son confident. Il lui parle du traumatisme subi par son peuple. Elle lui parle de son adolescence, à Nevers, durant la seconde guerre mondiale et de son amour pour un soldat allemand…
Après son admirable court métrage sur les camps de la mort, Nuit et Brouillard, Alain Resnais choisit pour son premier long métrage un autre traumatisme phénoménal: l’attaque nucléaire ayant décimé Hiroshima. Sur un scénario écrit et adapté pour l’écran par Marguerite Duras, Resnais accouche d’un film miraculeux sur le devoir de mémoire, à travers l’histoire d’amour d’une française et d’un japonais. Dès le début, nous baignons dans un climat envoutant, mélange de douleur et de douceur, soutenu par des images magnifiques (une empreinte fossilisée, des corps nus enlacés surgissant d’un bain de cendres). D’emblée et comme ce sera souvent le cas dans son oeuvre future, Resnais imbrique l’amour et la mort, le souvenir et la parole. Sur un ton incantatoire et poétique à la fois, le film évoque aussi bien le présent que le passé, les horreurs du bombardement et de ses ravages que la perte de l’être aimé et du chagrin insurmontable qui s’ensuit. Le récit montre qu’aucune douleur ne peut se comparer bien sûr, mais que chaque coeur humain saigne de l’oubli, du temps assassin. Visuellement sublime, Hiroshima Mon Amour est un tournant dans le langage cinématographique, une nouvelle manière de présenter des personnages, le montage fait de retours en arrières casse la trame « normale » du récit pour le rendre original. Cette dénonciation de l’horreur atomique a marqué les esprits autant que l’évocation des humiliations subies par les femmes tondues à la Libération (un sujet très peu traité au cinéma).
Que sont alors les soubresauts de l’amour et du désir entre ces deux êtres face à l’inéluctable? Resnais ne signe pas une romance à l’eau de rose, mais construit un lien entre deux cultures, deux façons de voir le monde. La musique frémissante de Giovanni Fusco et de Georges Delerue, supplément formidable aux plans filmés, demeure en nous bien longtemps après la projection. Tout comme le jeu des acteurs: le japonais Eji Okada ne parlant pas un mot de français et qui a appris ses dialogues au cordeau pour les dire de manière « phonétique » (bien dans le style de Duras) et bien entendu Emmanuelle Riva au visage douloureux et à l’intensité rare. Une oeuvre magistrale.
ANNEE DE PRODUCTION 1959.
