Eliane Devries dirige une gigantesque plantation d’arbres à caoutchouc à Saïgon en 1930. Tout son amour est voué à sa fille adoptive, Camille, jeune princesse vietnamienne. Un bel officier français Jean Baptiste Le Guen va bouleverser leurs deux vies. Lorsqu’il est exilé dans des îlots lointains, Camille part à sa recherche. Elle découvrira alors son propre pays, fait de passion, de violence et de mort…
Indochine reste encore à ce jour le film le plus célèbre du réalisateur Régis Wargnier, celui qui remporta le succès le plus éclatant (plus de 3 millions d’entrées, une reconnaissance internationale). Le film repose sur une conjonction de talents et de points forts réunis pour signer une superproduction d’envergure. Le scénario, écrit à plusieurs mains (Erik Orsenna, Catherine Cohen et Louis Gardel) relève du numéro d’équilibriste pour greffer à l’évolution de la situation géopolitique en Indochine la montée du nationalisme dans les années 30 et enfin l’indépendance du VietNam, chèrement gagnée en 1954. Ces périodes phares servent surtout de toile de fond à une double histoire d’amour tragique, une épopée sentimentale, où une mère et sa fille, amoureuses du même homme, se déchirent, se séparent, se retrouvent et s’aiment envers et contre tout. Dans un lyrisme parfois un brin emphatique (soutenu par des dialogues très littéraires), le film assume sa dimension mélodramatique, ose la fresque dense à la David Lean, conforté par un budget conséquent. Wargnier fait preuve de raccourcis et d’ellipses maladroites concernant la fracture inéluctable entre la France et l’Indochine et ne porte pas de regard nostalgique sur le monde colonial, il est clairement plus à l’aise pour évoquer les sentiments passionnels de son héroïne et des tourments qu’elle traverse. Rendons grâce aux images superbes, dûes au chef opérateur François Catonné, pour la plupart imprimant fortement les esprits: la plantation d’hévéas dans la lumière de l’aube, les sampans dérivant dans la Baie d’Along, les paysages grandioses du VietNam, etc…) et à la belle musique de l’écossais Patrick Doyle en contrepoint majestueux.
Evidemment, l’édifice colossal du film repose sur Catherine Deneuve, dans un de ses rôles les plus marquants, portant des toilettes magnifiques, forte et vulnérable, cassante et blessée, un permanent mélange de distance et d’abandon: un deuxième César lui revint pour l’occasion! Entourée d’un casting solide où chacun apporte sa touche personnelle (Vincent Pérez et Linh Dan Pham occupent aussi l’écran par un charisme indéniable). Ne pas oublier aussi de souligner la qualité des seconds rôles, en particulier Jean Yanne en chef de la sûreté et une formidable Dominique Blanc à la gouaille irrésistible. Une bardée de prix furent remportés: Un Golden Globe, un Goya, Cinq Césars et l’Oscar tant convoité du meilleur film étranger. On peut trouver à redire ce que l’on veut d’Indochine, mais en ce temps là, le cinéma français savait encore faire rêver et s’exporter avec brio.
ANNEE DE PRODUCTION 1992.