Adèle Hugo, fille ainée du grand écrivain et poète français, se rend à Halifax en 1863 pour suivre son ancien amant, le Lieutenant Pinson, qu’elle aime encore ardemment. Elle n’a qu’un seul désir: le reconquérir à tout prix, même si, lui, ne désire pas reprendre leur relation. Adèle vit cet amour à sens unique de manière tellement obsessionnelle qu’elle commence à y perdre la raison…
S’il y a bien un réalisateur de la passion amoureuse et de ses tourments en France, c’est bel et bien François Truffaut. De Jules et Jim à La Peau Douce, de la Sirène à La Femme d’à côté, ce thème a hanté son oeuvre. Se basant sur l’histoire authentique (et qu’il n’a presque pas eu à romancer) d’Adèle Hugo, le cinéaste signe un film brûlant sur une passion destructrice jusqu’à la folie, évoquant ce destin funeste avec son sens du tragique si affuté. Il présente son héroïne comme prisonnière de ses sentiments, allant jusqu’à s’humilier, y perdre toute dignité: l’histoire d’un trouble appelé l’érotomanie, mal connu à l’époque, faisant passer Adèle par plusieurs états: l’exaltation, la mythomanie, la conviction imperturbable d’être aimée, puis l’abattement et enfin la perte de repères. Elle finira ses jours dans un asile d’aliénés. Sur un scénario respectant scrupuleusement la vérité historique, Truffaut est accompagné à l’écriture par Jean Gruault et Suzanne Schiffman, et compte sur son chef opérateur Nestor Almendros pour une photographie magnifique, évoquant aussi au passage l’autre drame bien connu de la famille Hugo, à savoir la mort par noyade de l’autre fille de l’écrivain Léopoldine, laissant une béance irrésolue dans la psyché d’Adèle, constamment torturée par le souvenir de la défunte. Avec son romantisme échevelé et son désir d’absolu, le personnage mène, jusqu’à sa perte, une trajectoire la laissant comme hors du temps.
La démence de la jeune femme renvoie d’une certaine façon à celle de Camille Claudel: même amour fou pour un homme sur lequel elle mise tout et qui finit par la consumer totalement. Truffaut a vu La Gifle et découvert la toute jeune Isabelle Adjani, 19 ans à peine, doté de capacités de jeu hallucinantes et l’a choisi très judicieusement pour incarner Adèle. L’actrice foudroie par son regard puissant, son talent si précoce, sa force d’interprétation. Fiévreuse, violente, et puis finalement hagarde dans les dernières séquences, elle trouve là l’un de ses plus grands rôles. Et Truffaut réalise rien de moins qu’un de ses plus beaux films. Grave et triste. Comme la vie quand l’amour fait mal…
ANNEE DE PRODUCTION 1975.
