Peter Von Kant, célèbre réalisateur à succès, habite avec son assistant Karl, qu’il se plait à maltraiter et humilier. Grâce à la grande actrice Sidonie qui fut jadis sa muse, il rencontre et s’éprend d’Amir, un beau jeune homme d’origine modeste. Il lui propose de partager son appartement et de bénéficier de son appui pour se lancer dans le cinéma. Les deux hommes deviennent amants…
François Ozon semble dans une urgence de tourner et d’enchainer les films, à raison d’un par an depuis quelques années. Il s’empare pour son nouvel opus du fameux film de Fassbinder Les Larmes amères de Petra Von Kant (lui même issu d’une pièce) pour en faire une version toute personnelle, mais qui ne se démarque pas pour autant de l’original. Gardant la même théâtralité, dans le huis clos d’un appartement, situé en Allemagne au début des années 70, il change juste l’histoire d’amour lesbien en une romance gay et fait de son personnage titre un réalisateur de cinéma, ressemblant d’ailleurs physiquement à l’auteur de Querelle. Malheureusement, Ozon se laisse aveugler par son admiration dévorante pour Fassbinder (un peu comme Von Kant pour son protégé Amir) et livre rien de moins qu’un remake fade, même si assumé. A cause de dialogues qui sonnent souvent faux et d’une dérision trop affichée, il ne retrouve jamais ni la cruauté ni la profondeur du texte original et surtout donne une impression de sur place inabouti. Le cinéaste d’ Eté 85 semble beaucoup s’amuser à signer cet exercice de style, mais c’est comme s’il se faisait plutôt plaisir à lui même, sans partage. Du style, le film n’en manque pas en matière de costumes, de couleurs, de décor, et s’autorise des hommages directs à Romy Schneider ou à des auto citations rappelant un peu l’ambiance de 8 Femmes.
Du côté des acteurs, si Denis Ménochet occupe littéralement chaque plan et qu’il n’est pas mauvais, il a tendance à en faire trop (mais sans doute est ce voulu!?), pour faire de ce Peter Von Kant un homme excessif en tout, satisfait d’avoir réussi sa vie professionnelle mais triste à pleurer dans la sphère privée. La grande joie est de retrouver Isabelle Adjani devant la caméra d’Ozon (après plusieurs projets refusés) et évidemment elle est impériale en diva de l’écran, s’autoparodiant avec délice. Le fond des thèmes de la domination amoureuse et de l’absurdité du désir sont effleurés, mais sans la charge subversive qui aurait rendu le film bien plus mordant. En lieu et place de l’émotion attendue, la déception est plutôt l’invitée indésirable.
ANNEE DE PRODUCTION 2022.