Raoul aime sa femme, Solange, mais comme il ne peut plus supporter qu’elle soit constamment triste, un beau jour il en fait « cadeau » à un inconnu, Stéphane. Ce dernier accepte le « présent », mais malgré Mozart et ses livres de poche, Solange ne se déride pas plus avec lui qu’avec son mari…
Après la misogynie assumée de Calmos, l’irrévérencieux Bertrand Blier prend cette fois la décision de démonter les travers masculins, leurs bassesses et surtout leur incapacité à rendre une femme heureuse. Sur ce postulat original et ludique à la fois, Blier trousse une comédie provocatrice, pleine de bons mots, truffée de dialogues brillants. Quand il est en forme, l’auteur des Valseuses casse vraiment la baraque avec ses réparties et ses échanges verbaux drôles et enlevés. C’est tout à fait le cas ici, du moins pendant la première heure du film, où il met en scène ce trio amoureux atypique, rappelant bien sûr celui des Valseuses, en accentuant moins le propos sur la sexualité que sur l’épanouissement visiblement impossible de la femme. Est ce son manque d’enfant? Son ras le bol devant des mecs dévoués mais maladroits? Il est aussi beaucoup question d’humeur et de musique, Blier se servant de Mozart comme d’un médicament et emplissant la bande son, comme il le fera aussi avec Schubert dans Trop Belle pour toi, dix ans plus tard. Dans sa seconde partie, l’auteur délaisse la comédie pure pour se focaliser sur une délicate « histoire d’amour » entre l’héroïne et un jeune adolescent de 13 ans, surdoué et précoce. Cette situation un brin scabreuse (mais délicatement traitée) fait glisser le film dans une dimension plus mélancolique.
Toujours à la lisière du surréalisme et de l’incongru, l’oeuvre de Blier n’oublie jamais d’être poétique et il évite avec brio de sombrer dans la vulgarité, tout en faisant parler cru ses personnages. Il reforme le duo choc des Valseuses, Depardieu/Dewaere (le bourru et le sensible et inversement!) leur offrant deux beaux rôles à défendre, et en lieu et place de Miou Miou, il dirige Carole Laure, une comédienne en vogue à l’époque et dont le joli minois n’empêche pas la profondeur de jeu. Hormis quelques petits creux en milieu de parcours, Préparez vos mouchoirs! accomplit le miracle de divertir, faire rire et émouvoir aussi au passage. Il gagna l’Oscar du Meilleur Film Etranger, à la surprise générale et permit à Blier d’enchainer sur un de ses bijoux précieux, Buffet Froid.
ANNEE DE PRODUCTION 1978.
