Tout le monde s’entendait pour dire que Cassie, 30 ans, jolie et intelligente, avait tout pour réussir et profiter d’un avenir plein de promesses. Mais elle a abandonné ses brillantes études de médecine, s’est isolée de tous (plus d’amis, pas de petit copain), et est revenue vivre chez ses parents. Qu’est ce qui peut expliquer cette dégringolade? Une envie de se laisser aller? Un événement du passé trop douloureux à digérer? Une dépression mal soignée? Et pourquoi donc a t’elle pris l’habitude de se rendre dans des bars, seule, faire croire qu’elle est ivre morte et se laisser aborder par des types, tous prêts à profiter de sa vulnérabilité?
Même en y réfléchissant un très long moment, il s’avère particulièrement compliqué et hasardeux de classer ce film dans un genre bien défini. Ecrit et réalisé par Emerald Fennell (une des actrices de la série The Crown), il nous entraine dans des chemins de traverse et sur une route jonchée de surprises. La toute première qualité du script est d’être sans cesse imprévisible, déjouant les premières pistes que l’on pensait avoir saisi, et se dérobe constamment, excitant brillamment notre curiosité. Tout entier construit sur un personnage féminin atypique et complexe, le scénario enchaîne les séquences surprenantes, comiques (même si l’humour exercé peut avoir un arrière goût amer), et se dessine peu à peu un discours engagé pour la cause des femmes. Surfant sur le mouvement #Metoo, le féminisme y est trash, acide et radical. La charge contre la gent masculine est lourde et la réalisatrice ne fait pas dans la dentelle, provoquant grincements de dents avec des situations jubilatoires, où le cynisme et la douce vengeance sont au menu.
Le manque de nuances pourra en agacer quelques uns (je n’ai pas dit quelques unes!), pourtant tout le sel de cette « tragi comédie noire » se situe là: ne pas arrondir les angles sur un sujet depuis trop longtemps rangé sous le tapis, à savoir la violence faite aux femmes. Ce qui est également très réussi, c’est que cet apparent « revenge movie » n’offre pas de scènes visuellement complaisantes avec un déferlement inutile de sadisme, comme on en voit trop partout. Sous une apparente tranquillité couve un fond transgressif et explosif. L’actrice défendant ce beau rôle est Carey Mulligan que l’on ne soupçonnait pas aussi formidable. Elle joue le désespoir muet, puis la femme déstabilisante et furieusement en quête de justice avec un sens aigu des changements psychologiques de son personnage. Cet audacieux pamphlet contre la sauvagerie des mecs, remarquablement construit, a tout d’un coup de poing cinématographique à ne pas manquer.
ANNEE DE PRODUCTION 2020.
