Mia, la quarantaine, traductrice en russe, vit heureuse à Paris. Jusqu’au soir où elle est victime d’un terrible attentat perpétré dans une brasserie. Elle est une des seules survivantes. Trois mois plus tard, alors qu’elle n’a pas réussi à reprendre le cours de sa vie, elle fait tout pour se souvenir des instants précédant l’attaque et surtout tente de retrouver le chemin d’un semblant de bonheur…
Scénariste et réalisatrice de Proxima, Alice Winocour décide de raconter la lente reconstruction d’une femme atteinte dans sa chair et son âme après un attentat (certainement celui de Novembre 2015, où la capitale a payé un lourd tribut). Un sujet ô combien difficile, car pour éviter le sensationnalisme et le pathos, il faut prendre des pincettes et user d’une extrême pudeur. Winocour scrute à la loupe l’indicible douleur de son héroïne, son état de sidération avant de montrer le gouffre qui s’est ouvert en elle, et sa caméra semble caresser cette femme blessée, errant quelque part entre la vie et la mort. Si le film s’inspire donc de faits réels, il prend tout de suite le parti de ne pas s’orienter vers l’enquête, mais bien de se concentrer sur l’humain et sur les ravages endurés. Revoir Paris bouleverse par sa capacité à suivre le parcours des ténèbres à la lumière de cette femme qui doit trouver un nouvel élan en recollant les morceaux de sa mémoire arrachée. Un scénario plein de tact, de délicatesse tranche avec la violence sous jacente, les traumatismes qu’il évoque, jusque chez des personnages secondaires très émouvants. On est secoués par le combat quotidien de ces êtres amputés cherchant à s’inventer un avenir.
Le travail sur le son participe à la réussite émotionnelle du film, les bruits de la ville, du tumulte et bien sûr des détonations hantant nos oreilles, même quand on ne les entend plus. Cette oeuvre de mémoire peut se vivre comme une rédemption et aider à mieux « imaginer » le statut de victime. La réalisatrice a eu un flair monstre en choisissant Virginie Efira, dont il est faible de dire qu’elle livre une interprétation à fleur de peau. L’actrice nous serre le coeur juste d’un regard brisé. Ses partenaires masculins, Benoit Magimel et Grégoire Colin, existent aussi par leur jeu habité. Quelques séquences, implacables d’émotion, donnent littéralement la chair de poule. Un très beau film à voir pour ne jamais oublier.
ANNEE DE PRODUCTION 2022.
