Indochine 1931. Dans le Golfe de Siam, au fond de l’Océan Pacifique, une mère survit tant bien que mal avec ses deux grands enfants, Joseph (20 ans) et Suzanne (16 ans) qu’elle voit évoluer et dont elle sait le départ inéluctable. Abusée par l’administration coloniale, elle a investit toutes ses économies dans une terre régulièrement inondée, donc incultivable.
Auteur de documentaires très beaux et touchants comme Les Gens de la Rizière, le cambodgien Rithy Panh revient à la fiction, avec cette adaptation du tout premier roman de Marguerite Duras. Un livre de jeunesse, très fortement anticolonialiste et contant le combat d’une femme seule contre les puissants propriétaires d’un domaine qu’elle a fini par acquérir en se ruinant presque. Le cinéaste pose sa caméra dans les décors naturels de l’Indochine, avec son climat entre chaleur humide et moussons terribles, recrée l’ambiance des années 30 et dépayse avec son récit familial et sa métaphore de la corruption. La beauté visuelle pure du film ne doit pas faire oublier que Rithy Panh échoue quelque peu à restituer le style unique de Duras, sa musicalité presque impossible à rendre par des images (aussi splendides soient elles). Sa narration se divise en deux parties distinctes: la lutte de son héroïne, force vive pour faire valoir ses droits contre une administration sans pitié, puis cette histoire de diamant offert par un chinois à la fille de famille et qui prend d’ailleurs une place trop envahissante dans le scénario, au détriment du reste.
Sujet à la portée politique, ce Barrage garde malgré tout une dimension romanesque, où la description sans concession du système colonial se mêle au drame intime d’une femme et de ses rapports très ambigus avec ses enfants. Cet aspect reste toutefois seulement suggéré par Panh et en cela aussi, il a du mal à rendre justice au texte de l’auteur de L’Amant. Le jeu des acteurs, fort heureusement, sauve en grande partie l’entreprise: Isabelle Huppert, mère écorchée et pourtant assez sèche, livre une belle prestation proche de celle qu’elle tenait dans le White Material de Claire Denis. Quant au tant regretté Gaspard Ulliel, il incarne son fils avec fougue, aisance et animalité, et ses dons de comédien habitent chacune de ses apparitions. Pour la psychologie, relisez Duras, pour l’esthétique le film tient la route honorablement.
ANNEE DE PRODUCTION 2008.