Deux femmes, deux mondes: Betty Fisher, écrivain à succès, et Carole Novaki, une fille instable et inconséquente, n’avaient rien pour se rencontrer. Mais quand Betty perd tragiquement son petit garçon Josef, Margot sa mère qui souffre de troubles mentaux sérieux, imagine un stratagème pour lui prouver son amour: le « remplacer » par un autre enfant…
Comme l’indique ce titre énigmatique, des histoires « différentes » s’entrechoquent, s’entremêlent sans qu’aucun lien évident ne les prédestine au départ. C’est le travail brillant de scénariste de Claude Miller pour accoucher de cette adaptation du roman de Ruth Rendell Un enfant pour un autre. A priori, il va s’agir d’un échange d’enfant dans un récit que l’on s’imagine policier et intrigant. Pourtant, le film démarre comme un drame psychologique autour d’une femme mentalement perturbée et de sa fille, qu’elle vient retrouver après des années de séparation. Des portraits féminins plus qu’intéressants tirés par un cinéaste ayant souvent donné de beaux rôles aux femmes (L’Effrontée, Mortelle Randonnée, La Petite Lili), puis Betty Fisher dérive ensuite vers le thriller urbain sous fond de trafics en tous genres (enlèvement d’un gosse, magouilles d’un gigolo pour améliorer son train de vie). A partir de là, la structure narrative prend une ampleur captivante, dans une escalade de « petits » événements qui vont conduire à tout imbriquer de façon aussi crédible que très réfléchie. Miller parle d’amour maternel (bienveillant ou toxique), de névroses bousillant les liens sociaux, et nous entraine dans un engrenage vertigineux. La réalisation de l’auteur de Garde à Vue retrouve une vivacité et une inspiration qui lui faisait un peu défaut dans les années 90. Avec ce puzzle troublant, Miller ne choisit pas la facilité, en faisant se croiser des destins aux antipodes, dont le seul point commun reste sans doute l’idée du « chacun pour soi ».
Le film peaufine aussi ses seconds et troisièmes rôles avec la présence de Stéphane Freiss, Roshdy Zem, Edouard Baer, Yves Jacques, mais se voit essentiellement porté par son trio d’actrices en grande forme: Sandrine Kiberlain affirme son aisance dans le drame, Mathilde Seigner excelle en mère défaillante et Nicole Garcia impressionne avec son inquiétante composition de femme « border », enfermée dans sa propre réalité et inconsciente des conséquences de ses actes. En dépit de légères « invraisemblances », Betty Fisher accroche notre attention tout du long, comme un bon roman policier que l’on a du mal à lâcher par sa capacité à manier un suspense délectable.
ANNEE DE PRODUCTION 2001.