Paris, été 1979. Anne est productrice de films pornos gay au rabais. Lorsque Lois, sa compagne et monteuse, la quitte, elle est dévastée et la relance sans cesse, lui criant son amour. Pour l’impressionner, elle entreprend de réaliser un film plus ambitieux avec son complice de toujours, le fantasque Archibald. Mais, un de leurs acteurs est retrouvé sauvagement assassiné. Une enquête est ouverte, mais les crimes s’enchainent, touchant chaque fois des membres de son équipe…
Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes en 2018, Un Couteau dans le coeur est une proposition de cinéma tout à fait hors des sentiers battus et dérouta d’ailleurs la majorité des critiques. Second long métrage du jeune réalisateur Yann Gonzalez, auteur du sulfureux Les Rencontres d’après minuit, ce thriller déjanté est d’abord un vibrant hommage au giallo italien immortalisé par Bava et surtout Dario Argento, une oeuvre baroque où la sensualité côtoie la mort, mais pas seulement! On y trouve aussi des références au cinéma fantastique, évidemment au slasher avec ce tueur d’homosexuels renvoyant directement à celui très violent de La Chasse de William Friedkin. Sans oublier des clins d’oeil à des oeuvres comme Le Loup garou de Londres (avec cette séquence surréaliste, où les cadavres harcèlent l’héroïne dans une salle de ciné). Situé dans le Paris interlope des années 70, à une époque post Sida où les gays étaient encore les répudiés d’une société conservatrice et en attente d’une dépénalisation, Un couteau dans le coeur surprend par ses excès, son refus de tout naturalisme, et son goût pour les artifices. Par moments le ton frise la comédie, à d’autres il nage en plein policier, et surtout il emprunte au mélodrame avec ce beau portrait de femme, amoureuse absolu, furieusement défaite par l’alcool et les désillusions.
Yann Gonzalez a fait un choix judicieux et pourtant risqué en confiant ce rôle inattendu à Vanessa Paradis. L’actrice fait preuve d’une maturité de jeu impressionnante, passant d’un registre à l’autre, dans un univers où on ne l’attendait clairement pas. Ses partenaires, des habitués du cinéma « à la marge », Nicolas Maury (célèbre aussi pour la série 10%) et une comédienne anglaise pleine de charme, Kate Moran. Le film ose tout (tourné qui plus est dans les milieux de la nuit et dans l’industrie du porno), même en s’aventurant du côté de la poésie ou du conte noir, ne réussissant pas toujours à convaincre, mais cet objet unique dans le paysage français est nourri par un amour dévorant pour les images et pour une nostalgie révolue. Sacrément audacieux et forcément clivant donc!
ANNEE DE PRODUCTION 2018.
