Eté 1998. Cassandre a 14 ans. Dans le petit manoir familial, ses parents et son frère ainé remarquent que son corps a changé. Cassandre trouve refuge dans sa passion pour le cheval et intègre un centre équestre où elle se fait adopter tel un animal étrange…
Ce tout premier long métrage est signé d’une réalisatrice nommée Hélène Merlin, auparavant actrice et scénariste de plusieurs courts. D’après son vécu personnel, elle s’attaque frontalement à la question douloureuse et taboue de l’inceste intra familial. Celui qu’elle a subi de la part de son frère. Ce drame sombre et courageux à la fois nous immerge dans le noyau d’une famille bourgeoise, tenue de manière très rigide par un père militaire convaincu et d’une mère déboussolée et à sa manière toxique. La mise en scène comporte de belles idées, notamment celle de partager les moments étouffants à l’intérieur de cette immense demeure faussement rassurante où la jeune héroïne subit les abus et les autres passages situés au centre équestre où elle peut trouver une respiration et une libération certaines. Les plans de la marionnette dont on tire les fils comme pour la distordre symbolisent évidemment l’adolescence broyée, la perte de l’innocence. Pour accentuer le poids du silence, Hélène Merlin a recours à la violence intériorisée et dissèque les mécanismes de l’omerta régnant dans cette famille dysfonctionnelle. Cassandre peut également se lire sous la forme d’un récit d’émancipation salutaire, où la victime prend son destin en main en affrontant le socle néfaste sur lequel elle a pourtant toujours dû compter. Proche des Chatouilles d’Andréa Bescond, avec sans doute moins de rage évidente, le film montre du doigt des horreurs que l’on cherche à banaliser ou à normaliser, quand elles ne sont pas carrément enfouies sous le tapis de la honte.
Le personnage de Cassandre, avide de liberté, est joué par Billie Blain, dont ce sont les premiers pas devant une caméra et certainement pas les derniers. L’implication des autres comédiens , surtout Zabou Breitman et Eric Ruf en parents terrifiants, donne des ailes à cette fiction hélas tirée de faits réels. Entre une mère anarchiste et rebutée par tous les interdits et un père englué dans ses certitudes et confortablement assis dans sa domination de mâle, la petite Cassandre se débat dans une éducation malsaine où son frère (le plus « normal » en apparence de tous) l’utilise pour ses expérimentations sexuelles, telle une poupée à qui on ne permet pas de dire non! Un film difficile et cependant fondamental.
ANNEE DE PRODUCTION 2025