Léo écrit des romans à l’eau de rose sous le pseudonyme d’Amanda Gris. Epouse de Paco, un militaire toujours absent, elle manque d’amour et d’inspiration pour créer sa propre littérature. Elle rencontre Angel, un rédacteur en chef d’El Pais et fan du style d’Amanda Gris. Il ignore par contre que Léo et Amanda sont une seule et même femme…
Cette histoire d’une romancière écrivant sur les sentiments amoureux et la béatitude du bonheur à deux et malheureuse comme personne dans sa propre vie privée par la faute d’un mari fuyant et clairement moins épris d’elle pourrait n’être qu’un affreux mélodrame. Mais c’est Almodovar qui s’y colle et là bien sûr, ça change la donne! Le réalisateur espagnol agrémente son récit de moments légers (la danse en pleine rue du rédacteur face à l’héroïne, cette paire de bottines impossibles à retirer), voire des séquences vraiment drôles (les disputes de la soeur et de la mère) et ainsi n’impose pas la sinistrose. Et pourtant, ce portrait féminin est un douloureux constat d’échec sentimental, un requiem en images sur la solitude d’une quadragénaire vaguement alcoolique et excessive dans ses réactions: une passionnée déçue par la vie qu’elle trouve à la fois « horrible et merveilleuse ». Almodovar semble maitriser de mieux en mieux le mélange de tons, passe habillement du drame à la comédie, mais jamais à l’excentricité qui a fait sa gloire d’antan avec ses premiers films. Il inclut également, comme souvent, des références cinéphiles (le dialogue de Casablanca repris par l’éditeur pour séduire Léo, le final citant Riches et Célèbres) et une sous intrigue autour du don d’organes et d’une femme tuant son mari avant de le planquer dans un congélateur annonce clairement le scénario du futur Volver. Almodovar décrit à sa façon la douleur d’aimer, le chagrin éprouvé quand l’être cher vous échappe et qu’il faut trouver la force de « continuer » ailleurs et avec quelqu’un d’autre.
Magnifiquement secondé par son interprète, Marisa Parédes, le film tient bien sûr beaucoup sur son jeu sensible, véritable équilibriste dans les registres les plus divers et cette composition fait le lien entre Talons Aiguilles et Tout sur ma mère. Dans des seconds rôles savoureux, Rossy de Palma et Chus Lampreave (deux autres actrices fétiches) impriment leur personnalité. La toute dernière partie manque peut être de moments forts et déséquilibre un peu l’ensemble du métrage, mais même si La Fleur de Mon Secret ne se hisse pas au panthéon des chefs d’oeuvre du maitre ibérique, il mérite sa place dans la longue liste de ses très bons films.
ANNEE DE PRODUCTION 1995.