Juin 1940. Les Allemands sont aux portes de Paris. Odile, une institutrice mère de deux enfants dont le mari est mort à la guerre, cède à la panique générale et quitte la ville, sur les routes de l’exode. Ils sont victimes des bombardements. Laissés pour morts dans un fossé, un étrange jeune garçon, Yvan, les entraine dans la campagne… Ils s’introduisent dans une maison abandonnée et s’y cloitrent à l’abri du danger.
André Téchiné n’a jamais adapté de roman au préalable jusqu’à cette mise en images du livre de Gilles Taurand et ces Egarés marquent aussi son deuxième film d’époque après Les Soeurs Bronté. En pleine débâcle opposant les Allemands et les Français, ce récit d’une femme seule avec ses deux enfants partis se cacher au fond de la campagne et apprenant à survivre avec les moyens du bord revêt de l’aventure et du drame historique, tout en assumant pleinement un romanesque que Téchiné affectionne particulièrement depuis ses débuts. Il y décrit des sentiments pudiques et retenus, une relation ambigûe entre une mère de famille presque quarantenaire et un jeune homme en âge d’être son fils, avec qui elle va connaitre la transgression et l’amour tabou. D’un classicisme élégant (et ce n’est jamais un défaut), la réalisation participe à rendre Les Egarés comme une fable vaporeuse, une parenthèse suspendue dans une époque troublée. Cette histoire d’apprentissage dans un contexte de guerre a des résonnances avec Le Lieu du Crime , surtout dans le lien indicible noué entre le jeune héros secret hors la loi et l’adolescent en admiration devant lui, sans doute passablement amoureux. L’autre qualité marquante réside dans la très belle photographie signée Agnès Godard, une fois encore Téchiné profite de la luminosité estivale pour son esthétique soignée, une lumière que l’on retrouve dans les gros plans des visages.
Téchiné retrouve, douze ans après J’embrasse Pas, Emmanuelle Béart, comédienne alors passée entre les mains et devant la caméra de Sautet, Rivette, Ozon, et qui affiche une belle maturité de jeu, en prime de son physique fort avantageux et une sensualité dont elle n’use pas outre mesure ici. Mais la véritable révélation de ces Egarés demeure Gaspard Ulliel, 18 ans à peine, voyou sauvageon mystérieux dont on ne sait rien ou presque et crevant l’écran instantanément. Pour ses débuts également, Grégoire Le Prince Ringuet incarne le jeune fils désireux de s’émanciper et de grandir trop vite. Bref, un joli casting cohérent et dirigé au cordeau. Sans doute pas parmi les très grandes oeuvres de Téchiné, mais malgré tout un film tout à fait plaisant.
ANNEE DE PRODUCTION 2003.