Rosetta vit dans une minable caravane auprès d’une mère alcoolique. Chaque jour, elle part chercher un travail qui lui permettrait de vivre une existence décente. Riquet, un garçon de rencontre, la fait engager par son patron. Lorsqu’elle est de nouveau renvoyée, elle finit par trahir Riquet pour prendre sa place…
Ce petit film inattendu, tout droit venu de Belgique, fut un choc à sa présentation cannoise en 1999. Écrit et réalisé à quatre mains par deux réalisateurs frères, Luc et Jean Pierre Dardenne, Rosetta prend le problème de la précarité à bras le corps à travers le portrait d’une jeune fille exclue, vivant dans une pauvreté extrême et pourtant acharnée à trouver un travail, se faire une place dans la société. A la façon d’un Robert Bresson, le style Dardenne refuse toute musique, tout effet dramatisant, tout jugement moral pour ne montrer que les faits et la réalité aussi crue soit elle. Rosetta brave tous les obstacles, court, se défend, crie, bataille telle une guerrière pour obtenir considération et valorisation. Les Dardenne la suivent au plus près, nous rendant son combat palpable, sa volonté de fer face à l’adversité et n’essaient pas nous la rendre sympathique à tout prix. Elle traverse le film fonceuse, courageuse et prête à écraser qui se trouve sur sa route. Jusqu’à tomber dans la délation…. Ce cinéma sec et âpre, peu enclin à faire des millions d’entrées, touche surtout par sa rage de vivre, d’imposer une vision de notre monde moderne englué dans la précarité et le chômage.
Dans le rôle titre, une toute jeune inconnue de 17 ans du nom d’Emilie Dequenne explose, crève l’écran de sa présence terrienne. Jolie oui, mais surtout incroyablement vraie! Chacun de ses déplacements comporte un sens déjà précoce du jeu. Face à elle, deux acteurs très habitués à l univers des Dardenne : Fabrizio Rongione et Olivier Gourmet, alors assez peu connus. Le jury de Cannes décerna le sésame (Palme d’Or) et un prix d’interprétation pour Émilie Dequenne qu’elle n’a clairement pas volé. Sa Rosetta fait partie pour toujours des personnages inoubliables du cinéma d’auteur. Par son désir d’exister, sa force de conviction. Le tout avec l’énergie du désespoir.
ANNEE DE PRODUCTION 1999.