Récemment débarquée à Paris, Nana voudrait devenir actrice. En attendant, elle travaille comme vendeuse de disques, sans réussir à boucler ses fins de mois. Elle fréquente Paul, un journaliste, mais s’ennuie ferme avec lui. Ne payant plus son loyer, sa propriétaire la jette à la rue. Elle songe alors à se prostituer…
Après la bombe A bout de Souffle, Jean Luc Godard a continué à tisser une oeuvre originale, singulière, créant parfois autant d’admiration que de rejet. Vivre sa vie , un drame intimiste sondant l’âme d’une jeune femme vendant son corps, compte parmi ses films les plus beaux et les plus accessibles « à tous ». Le thème de la prostitution, vieux comme le monde et comme peut l’être ce métier, traité presque toujours de façon hyper dramatique, ne possède pas ici ce caractère glauque. Car Godard, divisant son récit en douze tableaux, fait avant tout la peinture d’un être en mouvement, libre de ses choix, il filme sa pensée, ses doutes et se focalise sur son visage. Quand le personnage de Nana se rend au cinéma, elle est fascinée par les gros plans de Falconetti dans la Passion de Jeanne d’Arc, y voit peut être son double, ou en tout cas s’identifie à la douleur de l’actrice. Cette scène magnifique est du pur cinéma, comme le reste du métrage, d’une virtuosité technique indiscutable, fourmillant de plans séquences que le réalisateur de Pierrot le Fou maitrise comme personne.
Sans cesse, nous sommes projetés dans la tête, dans la vie de Nana, pas seulement par la proximité de la caméra, mais par l’effet magnétique crée par la muse de Godard, Anna Karina. Avec sa coupe à la Louise Brooks, ses yeux noirs profonds et son visage d’une rare pureté, elle dévore l’écran comme elle mord dans l’existence. Ce poème d’amour total se veut une ode à la beauté de l’actrice et l’on peut se demander si par la suite, il a su aussi parfaitement capter l’essence d’une femme, en exceptant l’exemple superbe de Bardot du Mépris. L’admiration de Godard pour Rossellini se trouve ici à son point culminant, car l’influence très nette du néoréalisme italien se ressent en permanence, dans ses plans de rue où la caméra capte l’instantané d’une époque, un peu comme un documentaire sociologique. Grâce au travail soigné du chef opérateur Raoul Coutard, le noir et blanc n’a sûrement jamais semblé aussi beau. Vivre sa vie n’a pas subi les outrages du temps, sa mélancolie bouleversante perdure pour longtemps encore.
ANNEE DE PRODUCTION 1962.