Durant un été caniculaire, un embouteillage monstre est causé par un chantier de travaux publics et paralyse une portion de route à Los Angeles. William Forster, ancien salarié de l’industrie de la défense, craque soudainement et abandonne son véhicule. Fou de rage, il se lance dans une virée sauvage dans les rues de la ville, s’en prenant à tous ceux qu’il croise sur son chemin…
Dans sa filmographie remplie de films médiocres, de déceptions et d’oeuvres racoleuses, Joel Schumacher peut pourtant se targuer d’avoir signé un film qui se démarque nettement et il s’agit justement de cette Chute Libre. Dès son plan séquence d’ouverture et son prologue sous haute tension, cet opus se veut une formidable descente aux enfers d’un homme au bout du rouleau, acculé par la rage qui l’anime, les échecs qu’il a essuyé (perte de son boulot, divorce houleux, déclassement social) et va tout simplement péter les plombs! Un sujet peut être à première vue ordinaire que Schumacher rend pourtant très consistant par son étude psychologique implacable, son aptitude à décrire l’envers du rêve américain: ici, c’est plutôt le rêve déchu d’un citoyen seul contre tous et laissant s’exprimer une violence latente qu’il couvait en lui depuis sûrement longtemps. Au niveau de la narration, l’auteur de Phone Game alterne les séquences brutales et tendues dans lesquelles son anti héros se défoule en paroles et en actes sur des commerçants, une bande de voyous agressive ou un néonazi inquiétant et d’autres où un flic intègre et calme à l’extrême, à l’aube de sa retraite tant attendue, tente de retrouver celui qui terrorise ainsi la ville. La nervosité de la mise en scène met bien en valeur la chaleur écrasante de l’atmosphère irrespirable de Los Angeles, l’incapacité de la police à résoudre rapidement une énigme qui ne peut que mal finir… du moins pour ce personnage principal en marge de la société.
C’est peu dire que Michael Douglas est fabuleux dans ce rôle (sûrement le plus fort de sa carrière), d’habitude et souvent victime des femmes (Liaison Fatale, Basic Instinct, Harcèlement) il donne une épaisseur incroyable à cet homme aux confins de la folie. A sa sortie, le film a cependant divisé et ses détracteurs ont pointé du doigt l’ambiguité du propos: Chute Libre est il une apologie de l’autodéfense, une oeuvre à la violence complaisante? A première vue, on peut le penser en effet, mais elle est avant tout le reflet malheureux d’une société américaine en lambeaux, menacée tous les jours par la vente libre d’armes à feux et engendrant des comportements monstrueux chez des êtres en détresse ou en rébellion contre ce monde de dingues!
ANNEE DE PRODUCTION 1993.
