Sam Lion, un ancien artiste de cirque devenu un grand chef d’entreprise richissime, décide pour ses 50 ans de tout plaquer. Lassé de ses responsabilités, il sa fait passer pour mort et part découvrir le monde. Des mois plus tard, alors qu’il traverse l’Afrique, le hasard le met en présence d’Albert, un de ses ex employés. Pour garder l’incognito, Sam propose un curieux marché au jeune homme: devenir son homme de paille et sauver son entreprise menacée de faillite. Mais Victoria, la fille de Sam, va un peu « bouleverser » leur plan…
En prologue de son film, Claude Lelouch cite Albert Cohen: « Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte ». Une phrase magnifique, lucide, et qui cadre (presque) parfaitement avec le personnage principal qu’il nous décrit, Sam Lion. Presque car si l’homme aspire à une solitude longtemps souhaitée, il porte en lui la souffrance infinie d’avoir été abandonné, enfant. Bâti sur un scénario en deux parties, cet Itinéraire nous mène d’abord autour du Monde, traversant les océans, écumant les villes, pour se fondre dans la masse, puis il y a comme un retour à une certaine réalité avec le monde tout aussi sauvage des affaires et de la famille. Lelouch nous gratifie d’une histoire fleuve, d’un argument séduisant (un homme disparait aux yeux de tous pour mieux vivre, avant d’être rattrapé par son passé) et cette idée brillante se déroule en chansons (Merci à Nicole Croisille pour sa voix cristalline interprétant « J’aurais voulu être un artiste »), et avec une maitrise parfaite du cadre. En effet, les images offertes par l’auteur d’Un Homme et une Femme sont parmi les plus belles qu’il ai filmés durant sa carrière.
Loin de tomber dans le dépliant « tour opérator » pour touristes novices, les paysages à couper le souffle ne nuisent en rien à la crédibilité du script, à son déroulement astucieux et surtout à des dialogues ciselés. Les morceaux du puzzle de la vie du personnage apparaissent en flash backs (heureusement pas trop lourds), jusqu’au retour de l’être disparu, tel un miracle de cinéma. Pour incarner ce beau fugitif solitaire, Lelouch retrouve 17 ans après Un Homme qui me plait, le géant Belmondo, impérial, n’ayant plus rien à prouver, et qui affirme une présence et un charisme impressionnants. Il recevra un César du meilleur acteur qu’il n’ira d’ailleurs pas chercher. Pour lui tenir tête, Richard Anconina, remarqué dans Tchao Pantin, joue admirablement de son charme presque enfantin et d’une candeur idéale pour le rôle. Au final, un des films les plus aboutis et les plus réussis de son auteur.
ANNEE DE PRODUCTION 1988.