Paris en 1912. Jules, autrichien et Jim, français sont deux artistes et amis inséparables. Ils tombent tous deux amoureux de la même femme Catherine, que finit par épouser Jules. Puis la guerre éclate et sépare le trio. Après le conflit, Jim retrouve le couple et l’amour à trois se reforme de plus belle…
L’enfant terrible de la Nouvelle Vague François Truffaut, couvert de gloire après ses 400 Coups, décide d’adapter à l’écran un de ses romans favoris. Jules et Jim est d’abord un livre d’Henri Pierre Roché, contant le récit d’un amour à trois et d’une amitié amoureuse du même coup. Avec son sens inné du romanesque, Truffaut fait de ce postulat de départ scabreux un modèle de comédie sentimentale pleine de légèreté, de charme, de cocasserie. L’utilisation des voix off pourrait rebuter, au contraire la magie opère d’emblée, le spectateur se prend d’une affection immédiate pour ces personnages de chair et de sang, vibrant au gré des battements de leurs coeurs. Le plaisir à suivre leurs turpitudes, leurs disputes ou leurs retrouvailles est constant, et cette réussite est due à une mise en scène aérienne, la caméra étant en perpétuel mouvement, ne laissant aucune place à l’ennui. Point de jalousie ou de psychodrame dans cette belle histoire, tout y est pur, clair comme de l’eau de roche, et la relation triangulaire échappe à tout jugement moral.
Truffaut dresse aussi le beau portrait d’une femme libre, émancipée dans une époque pourtant répressive et frileuse à la transgression. Catherine a ce charme, cette séduction inconsciente qui la rende unique et irrésistible. Il fallait une comédienne alliant ses atouts là et sachant donner du corps à son jeu. Jeanne Moreau en est l’interprète idéale, à la fois forte et fragile, brillante et sombre, toujours superbe. Un des rôles les plus riches de sa longue carrière. En prime, elle y chante « Le Tourbillon de la vie », un hymne aux sentiments souvent paradoxaux qui a fait le tour du monde. Ajoutez à cela une magnifique photographie de Raoul Coutard avec son noir et blanc très doux et apaisant et vous obtenez une des oeuvres majeures du cinéma. Lorsque le désespoir et la tragédie surviennent, une mélancolie systématique nous étreint et nous emporte avec bonheur dans ce voyage au pays des émotions. Nous rappelant au passage qu’il faut vivre l’instant présent, à tout prix!
ANNEE DE PRODUCTION 1962.
