Ohio, 1930. Un tueur psychopathe, Harry Powell, sillonne les campagnes en se faisant passer pour un prédicateur itinérant. Mis sur la piste d’un butin caché dans sa ferme par un condamné à mort, il séduit la veuve, l’épouse, s’improvise père des deux gamins qu’elle élève seule, John et Pearl. Les enfants connaissent le secret de la cachette de leur défunt père. Powell les prend en chasse…
La Nuit du Chasseur est à plus d’un titre un film unique, inclassable dans l’histoire du cinéma. Seule réalisation de l’acteur Charles Laughton (coup de maître!), il défie les modes en se situant au carrefour de plusieurs genres: le drame familial, le policier, et la fable philosophique. S’inspirant d’un roman de David Grubb, Laughton rend hommage au cinéma muet avec l’aide de son chef opérateur, Stanley Cortez, offrant un noir et blanc très marqué et surtout des images de toute beauté, proches de l’expressionnisme. Le récit construit un monde étrange, allégorique, où le Mal pourchasse l’innocence, où les enfants ne sont plus protégés par les adultes, livrés à eux mêmes face à un danger les menaçant directement. La terreur côtoie la poésie, la réalité la plus crue s’entremêle avec le mystique dans cette intrigue de polar noir aux allures de conte de fées, où même la Nature joue un rôle déterminant. Les nombreuses thématiques abordées par le film le rendent évidemment aussi riche qu’intemporel et l’action est vue à travers le regard subjectif des enfants, ce qui était quasiment une première à Hollywood à cette époque.
Des séquences inoubliables parcourent tout le long métrage (la fuite sur la barque au milieu du lac sous un ciel nocturne piqué d’étoiles, la découverte du corps de la femme au fond de l’eau et flottant telle une sirène sacrifiée, les mains du tueur marqués LOVE et HATE, etc…). Laughton a confié le rôle principal à Robert Mitchum, tenant là son personnage le plus fort, à la fois faux prophète, violent, manipulateur et assassin. Sa composition exceptionnelle l’a presque enfermé dans ce registre ambivalent qu’il savait jouer comme personne. Face à lui, la douceur des femmes mise à mal mais parfaitement rendues par l’humanité de deux grandes comédiennes: Shelley Winters, veuve puis proie idéale, et Lillian Gish, ancienne gloire du muet découverte par Griffith, extraordinaire en vieille dame à l’âme charitable, symbolisant la sagesse et la transmission. Pour toutes ces qualités majeures et d’autres que l’on n’a pas fini de découvrir en revoyant cette pépite, La Nuit du Chasseur ne vole pas son appellation de chef d’oeuvre.
ANNEE DE PRODUCTION 1955.
