Mado, actrice célèbre, passe ses vacances en compagnie de son frère Simon, de son amant Brice, et de son fils Julien qui veut devenir cinéaste. Julien est fou amoureux de Lili, une jeune fille de la région, qui ambitionne d’être comédienne. Mais celle ci se jette dans les bras de Brice, metteur en scène reconnu, et lui propose de tout plaquer pour l’emmener à Paris afin de faire d’elle une star…
Auteur de grands films comme Garde à Vue, Mortelle Randonnée ou L’Effrontée, Claude Miller, ancien assistant de Truffaut, a connu un petit passage à vide dans les années 90, puis a signé des opus beaucoup plus maitrisés tels que Betty Fisher et cette Petite Lili, au début du millénaire. Très librement adapté du texte d’Anton Tchekhov La Mouette, le récit propose plusieurs films en un: d’abord une satire du 7e Art où l’opposition entre cinéma d’auteur et cinéma commercial est pointée du doigt avec férocité, ensuite une études de caractères sur des âmes aussi solitaires que blessées, cherchant une reconnaissance, enfin un drame amoureux choral où les passions forment un incessant tourbillon. La Petite Lili se compose de deux parties distinctes: dans la première, Miller présente ses protagonistes en vacances dans un cadre champêtre ensoleillé, l’occasion de se déchirer, s’aimer, s’affronter et se trahir. Dans la seconde, après l’éclatement du groupe, une mise en abime du film dans le film s’opère sous nos yeux et on assiste aux conséquences des drames survenus deux années auparavant. Le scénario ne respecte pas l’esprit de Tchekhov, mais réussit en revanche à lier une vraie correspondance entre ces êtres pris par leur désir de briller, de se distinguer, de sortir du bois, quitte à « déranger » l’harmonie apparente de l’ensemble.
Sur des dialogues ciselés, des séquences fort bien écrites, Miller tisse une comédie dramatique passionnante portée par une distribution de haute volée. Tous sont impeccables, chacun dans leur registre. A commencer par la jeune Ludivine Sagnier jouant la fille que tout le monde désire et qui est quelque peu arriviste, derrière ses minauderies de façade. Nicole Garcia incarne brillamment une actrice installée et orgueilleuse, Bernard Giraudeau un metteur en scène séduit par la jeunesse, Robinson Stévenin le héros écorché vif éperdu d’amour. Enfin, deux mentions spéciales: Jean Pierre Marielle excelle en septuagénaire blasé et écope de répliques anthologiques et Julie Depardieu ébouriffante de naturel et de force tragique dans le rôle de l’amoureuse éconduite (César du meilleur espoir pour elle!). Les rapports humains teintés d’amertume sont servis par cette brochette d’acteurs remarquables. Un des plus gracieux films de Claude Miller, disparu hélas trop tôt.
ANNEE DE PRODUCTION 2003.
