Le hasard de la ronde des amours dirigé par un meneur de jeu qui lance le manège. Une prostituée aborde un jeune soldat, qui ne lui donnera qu’une cigarette pour salaire. Au bal, le soldat séduit une femme de chambre, etc, etc…
Voici le tout premier film français de Max Ophuls, exilé d’Amérique où il tourna notamment le sublime Lettre d’une inconnue. La Ronde, tiré d’une courte nouvelle d’Arthur Schnitzler, se déroule dans une Vienne de conte de fées et le récit suit la fabuleuse spirale romanesque entrainant une cohorte de personnages dans les jeux de l’amour et du hasard. Du Marivaux en quelque sorte, mais classieux, raffiné, poétique, non dénué d’humour et de légèreté. La sarabande amoureuse part d’une fille des rues à un soldat en permission, puis d’une femme de chambre à une femme mariée infidèle, d’un conte à une comédienne, etc etc… Le manège tourne au gré d’une caméra aérienne, les travellings merveilleux alternant avec les gros plans de visages, pour signifier le badinage, le désir, la séduction, la naissance de l’amour et même plus inattendu l’impuissance sexuelle (imagée par l’évocation d’un livre de Stendhal). On passe ainsi d’un partenaire à l’autre, retrouvant parfois les mots identiques d’une relation à l’autre, ou les non dits selon la situation, dans une mise en scène élégante, très soignée d’Ophuls, maitre dans l’art du déplacement d’appareil. Ce ballet sentimental possède pourtant en creux une certaine gravité sous jacente: celle du temps qui passe et de l’obsession pour chacun de lutter contre cette fatalité. Les interventions du narrateur, commentant les rencontres à venir, nourrissent le scénario d’une mise en abyme originale pour une oeuvre tournée au début des années 50.
Véritable terrain de jeu idéal pour les grandes vedettes, La Ronde réunit des pointures telles que Simone Signoret en fille de joie, Daniel Gélin en jeune homme amoureux, Serge Reggiani en soldat, Simone Simon en soubrette, Gérard Philipe en conte portant moustache, ou encore Danielle Darrieux, exquise en épouse adultérine. Le film génère un plaisir ludique, amusant (car chacun peut s’y identifier), éphémère comme ses serments d’amour que l’on dit trop vite avant qu’ils ne soient plus aussi vrais. Même si le bonheur est rarement joyeux, le sourire nous vient souvent aux lèvres devant l’évocation éblouissante de ces coeurs battants la chamade: alors tournez manèges!!
ANNEE DE PRODUCTION 1950.