Qui des deux soeurs Dashwood parviendra à trouver l’homme de sa vie et à le garder? Marianne la passionnée qui bouscule les conventions d’une Angleterre coincée ou Elinor la raisonnable qui,au contraire, les respecte trop? Au coeur de ce débat palpitant, riche en rebondissements, les hommes occupent une place de choix…
Cinéaste taïwannais prolifique attiré par tous les genres depuis le début des années 2000 (Hulk, L’Odyssée de Pi, Brokeback Mountain), Ang Lee avait au préalable sévi dans le domaine de la comédie sentimentale raffinée (Garçon d’Honneur et Salé Sucré) et accepta même de réaliser cette adaptation d’un roman de la britannique Jane Austen. Il collabore au scénario avec l’actrice Emma Thompson (amoureuse du bouquin au point qu’elle voulut en écrire elle même le script pour l’écran). Un plaisir pour les yeux puisque l’on peut y admirer des images superbes de demeures seigneuriales, les charmants cottages de la campagne verdoyante, des costumes d’époque (l’action se situe au siècle dernier dans une Angleterre corsetée) et Lee se fait plaisir avec une mise en scène de qualité, à quelques encablures tout de même d’un certain académisme. Et puis surtout, il y a ce scénario finement ciselé pour raconter l’histoire de ces deux soeurs proches, mais diamétralement opposées dans leur manière d’aimer. Les frémissements du coeur et de l’âme s’entrechoquent avec l’une, dévastée par sa fougue enthousiaste incontrôlée et l’autre, enfermée dans sa pudeur maladive. Il est donc question d’amour tout du long: celui que l’on convoite, celui que l’on ressent à sens unique, celui que l’on idéalise, celui que l’on voudrait éternel. Avec toutes les désillusions qui vont avec… Raison et sentiments (tout est dit dans ce titre, simple et beau) n’est heureusement pas que dramatique, au contraire, un humour parsème certaines séquences (les commérages autour des couples potentiels amusent et divertissent), une ambiance très british fort bien rendue et surtout un romantisme sincère parcourt tout le métrage.
En tête d’affiche, Emma Thompson joue donc Elinore, la plus « raisonnable » des deux soeurs, celle qui suggère davantage qu’elle ne montre, tout en brûlant d’amour pour le personnage d’Hugh Grant (forcément il s’imposait dans ce rôle là, comme une évidence).Comme à son habitude, Emma brille d’une présence impressionnante, même si elle se fait presque voler la vedette par la toute jeune Kate Winslet (un an avant Titanic), merveilleuse dans le registre de l’amoureuse fiévreuse et absolue. Sur la musique envoutante de Patrick Doyle (juste présente comme il faut, sans excès), Raisons et Sentiments ravira les incurables admirateurs de mélos et d’amours contrariées. Les plus endurcis se laisseront sûrement emballer par la tournure harmonieuse du scénario (Oscar dans cette catégorie). Jane Austen aurait pu être plus mal servie.
ANNEE DE PRODUCTION 1995.
