Le couple que forment Pierre et Séverine pourrait être heureux si les fantasmes de la jeune femme ne révélaient pas son insatisfaction sexuelle. Poussée par la curiosité, elle se rend discrètement dans une maison de passes, y trouvant à la longue son équilibre. Mais l’aventure se complique lorsqu’un voyou habitué du lieu s’éprend d’elle et va tout faire pour l’intimider.
Belle de Jour est encore plus d’un demi siècle après sa sortie, une oeuvre fascinante et très aboutie du cinéaste espagnol Luis Bunuel. Il y cristallise la somme de ses thèmes favoris: la sexualité et ses mystères, le fétichisme, les fantasmes de notre subconscient, l’hypocrisie d’une bourgeoisie qu’il a toujours su pointer du doigt avec humour et sérieux à la fois. Le portrait qu’il dresse de sa jeune et belle héroine Séverine est celui d’une épouse frigide, attirée par le sadomasochisme, et cachant derrière une apparence candide des désirs inavouables. Elle se prostitue pour découvrir ses limites et sortir ainsi de l’ennui poli dont elle souffre au sein d’un mariage conventionnel et plat. Ce film est intéressant du point de vue de son traitement frontal sur le sexe, dans une époque qui n’a pas encore connu sa fameuse libération des moeurs, et Bunuel évite toute vulgarité grâce à une mise en scène maligne, oscillant dans une atmosphère entre rêve et réalité. Et il contourne le côté « scandaleux » lié à la sexualité en ne montrant jamais de séquences choquantes, du moins visuellement. Tout est suggéré ou presque, et c’est là le coup de génie absolu.
Les personnages ne sont pas dans une psychologie définie, et le spectateur doit réfléchir sur leurs comportements au fil de l ‘intrigue, sans jamais prévoir ce qui va suivre. Les perversions évoquées en dialogues ou sous forme de songes vont de la nécrophilie à la domination, de la luxure au sadomasochisme, souvent sur un mode « ludique » et avec un recul presque joyeux. Le pouvoir érotique est alors d’autant plus puissant que l’onirisme vaporeux est constant, le réalisateur met tout son art afin de créer un vertige délicieux, nous entraînant dans l’imaginaire de cette jeune fille. L’interprétation de Catherine Deneuve est remarquable. Outre sa grande beauté, elle donne de cette épouse timide et secrète une superbe complexité, et une aura qui marquera durablement sa carrière. Belle de Jour reçut le prestigieux Lion d’Or à Venise en 1967 et n’a eu de cesse d’être commenté, analysé et admiré depuis.
ANNEE DE PRODUCTION 1967.
