Catherine et Marcello vivent enfermés dans leur appartement. Ils parlent, font l’amour, sans jamais sortir de leur chambre où règne un désordre inimaginable. Avant, ils étaient heureux, parents d’une adorable fillette de 9 mois, Camille. Un matin, l’impensable est survenu…
Faut il de l’inconscience, de l’impudeur ou simplement laisser s’exprimer une douleur infinie pour prendre comme sujet central d’un film la mort d’un enfant? Nadine Trintignant n’a même pas eu à se poser la question lorsqu’elle a réalisé ce troisième long métrage, car elle venait de vivre le pire que l’on puisse imaginer pour une mère: perdre sa fille en bas âge et devoir continuer à vivre après ça. Aussi, cette oeuvre doit évidemment être vue comme une catharsis, un besoin quasi vital d’exprimer un chagrin indicible et être salué comme un acte de courage inouï. Ca n’arrive qu’aux autres (très beau titre) relate ainsi la tragédie de ce couple fauché en plein bonheur, d’abord plongé dans la sidération, puis l’abattement, avant que ne vienne le temps des larmes et du chagrin. Le film démarre sur les notes d’une très belle chanson de Michel Polnareff écrite pour l’occasion, sur un long plan fixe de Marie Trintignant, alors âgée de 9 ans et qui émeut forcément infiniment. Une fois que la mort survient, brutale et définitive, Catherine et Marcello s’enferment dans leurs souvenirs, à l’abri du monde extérieur, comme pour arrêter le temps. Sur un thème aussi noir, on pourrait craindre un film insupportable et d’une tristesse insondable, pourtant Nadine Trintignant réussit le tour de force de trouver le ton juste, parsème ses séquences de moments d’apparente « légèreté », captant la tendresse fantaisiste, le lien indestructible de ses parents démunis et soudés face à l’adversité. Le deuil semble vécu de manière « positive », tout en continuant à évoquer sans cesse la mémoire de la petite disparue, ils continuent à la faire vivre encore et encore…
Pour incarner ce couple assommé et toujours debout, Nadine Trintignant dirige Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni, qui ironiquement devenaient au même moment un vrai couple dans la vie réelle et qui unissent leur talent et leur beauté, tout au service de cette histoire terrible et à laquelle ils apportent paradoxalement plein de vie. Leurs partenaires (Dominique Labourier, Catherine Allégret, Danièle Lebrun) apparaissent furtivement comme les éléments extérieurs à leur repli sur soi. Dans l’ultime quart d’heure, lorsque le tandem décide d’affronter de nouveau le monde sans leur petite, c’est comme s’il briser le déni dans lequel il préférait jusque là se réfugier. Un film douloureux, mais beau.
ANNEE DE PRODUCTION 1971.