En 1942, pendant que l’Occupation allemande fait rage, le Docteur Petiot s’occupe des pauvres. Mais sous prétexte de faire passer les Juifs en Argentine, il les attire dans son hôtel particulier. Là, après les avoir amadouer, il les assassine, incinère leurs corps dans une chaudière et s’accaparent leurs biens et leur fortune. A la Libération, il tente de changer d’identité et se fait passer pour un résistant. Mais la police a découvert ses méfaits et le traque sans relâche…
Christian de Chalonge a connu des hauts et des bas dans sa carrière de cinéaste, mais a toujours cultivé un goût pour le fantastique et les univers sombres. On se souvient notamment de son film apocalyptique Malevil, incompris à sa sortie. Avec l’appui de Michel Serrault qui tenait à jouer ce rôle de longue date, il a mis en chantier le scénario de Petiot afin de percer un peu les mystères d’un des plus fascinants serial killer de l’histoire française. Apparu au milieu d’une époque troublée, cet assassin responsable de la mort d’une vingtaine de personnes agissait la nuit, alors qu’en plein jour il était un respectable médecin aimé de ses patients. Chalonge opte d’emblée pour une esthétique très clairement inspirée de l’expressionisme allemand avec ses décors lugubres, ses perspectives contrastées, ses clairs obscurs et montre Petiot comme un vampire hypnotisant ses victimes par sa fausse bienveillance et ses instincts meurtriers enfouis. Le réalisateur filme Paris comme une ville pleine de chausse trappes, où règne la peur et une société engendrant des monstres comme ce docteur aux deux visages, rappelant le Mabuse de Fritz Lang.
Jouant avec le noir et blanc, la couleur et les images d’actualité de l’époque, le metteur en scène de L’Argent des Autres livre une réflexion sur le Mal tapi chez un être en apparence ordinaire, marié et père de famille et tente de ne pas juger cet indéfendable personnage. Il y est profondément aidé par l’implication maximale de son acteur Michel Serrault, se délectant à jouer cette noirceur, y injectant sa propre folie. Maquillé avec des cernes exagérées et paré d’une allure de Dracula moderne, il compose un de ses plus fameux rôles dramatiques, grâce à son savoir faire, son ambiguîté et son humour noir. Qu’importe alors que le film ne donne pas d’explication rationnelle aux actes effroyables commis, dans la réalité le vrai Petiot ne s’était pas non plus épanché en confidences. Il a été guillotiné en emportant avec lui ses secrets. Chalonge lui redonne vie en nous rappelant que l’abjection humaine peut surgir aussi chez des êtres destinés à faire le bien.
ANNEE DE PRODUCTION 1990.
