En 2022, Don Juan n’est plus l’homme qui séduit toutes les femmes pour mieux les délaisser, mais un homme obsédé par une seule femme: celle qui l’a abandonné…
L’univers de Serge Bozon se situe plus franchement dans la loufoquerie et la fantaisie, comme il l’a démontré dans Tip Top ou Madame Hyde, deux films singuliers avec Isabelle Huppert en vedette. Il troque ici ce ton insolite par un style proche de celui de Christophe Honoré: quelque part entre romantisme, valse des sentiments et des chansons pour agrémenter le tout! Cette variation toute moderne de Don Juan étonne par son aspect résolument féministe: en effet, les femmes ne sont plus victimes, mais dominent presque le mâle mis à mal. Par instants, le charme opère et une originalité dans le traitement séduit, sans pour autant nous emporter. La faute à un scénario brouillon (ou en tout cas inutilement décomposé), à des réflexions un peu lourdes sur le métier d’acteur et sur l’amour en général, l’intérêt faiblit petit à petit. Et que dire des interludes chantés? Pas toujours très heureux, ils ne permettent pas d’ajouter une plus value, sauf quand c’est un véritable chanteur qui s’y colle (à savoir Alain Chamfort, interprétant assez joliment du même coup le troisième rôle).
Ce que Bozon capte le mieux, en revanche, est une des caractéristiques du cinéma de Jacques Demy: le désenchantement amoureux et le désespoir des amants dévastés par leurs émotions. Le récit pratique l’espièglerie et le désordre, mais reste d’une raideur dommageable. Bozon joue à fond la carte du théâtre pour le mêler au « théâtre de la vie » et interroge sur la sincérité des comédiens, hors jeu. D’ailleurs, le point fort de ce Don Juan revisité se situe dans l’interprétation de son tandem. Tahar Rahim, en amoureux démuni et cassé, étonne par sa justesse et sa partenaire, Virginie Efira, décidément de plus en plus accomplie, aborde le moindre recoin de son personnage avec une grande maitrise. Heureusement qu’ils sont là pour combler les faiblesses générales!
ANNEE DE PRODUCTION 2022.