Alice est actrice, Louis professeur et poète. Ils sont frères et soeurs, mais se vouent une haine tenace depuis plus de vingt ans. Ils ont évité tout ce temps de se croiser, de mêler leurs vies, d’affronter leurs différents. Un jour, leurs parents ont un grave accident de la route et sont hospitalisés. Leur fin prochaine va réunir bien malgré eux ces deux êtres viscéralement « ennemis »…
A peine six mois après son décevant Tromperie, Arnaud Desplechin revient en compétition au dernier festival de Cannes avec ce drame familial fort, à l’écriture aiguisée et pourvu de séquences par moments très intenses. Les rapports amour/haine étaient déjà le sujet central des tribulations familiales de Un Conte de Noêl, où les membres d’un clan ne s’épargnaient pas les vérités les plus crues. Ici, c’est entre un frère et une soeur, tous deux artistes d’une quarantaine d’années, que se joue le noeud de la tension dramatique et bien légitimement, on se demande d’où vient cette détestation ancrée, quel horrible secret est à l’origine de leur brouille et quel fut leur passé commun? Autant dire d’emblée que donner des réponses semble être le cadet des soucis de Desplechin, plus concentré sur les sensations que sur les explications nettes et franches. Comme il l’avait d’ailleurs fait avec Tromperie, il met l’accent sur les dialogues (très écrits) et sur une sorte de « cérébralité » assumée. Comme cette haine s’avère indicible, il prend le parti de justement ne pas la disséquer, mais du coup une certaine frustration nous laisse comme un goût amer.
L’auteur de Roubaix Une Lumière se penche sur cette relation cruelle et foncièrement tragique, mais pas seulement, puisqu’il laisse une large part du récit tourner aussi autour des figures matricielles: le père et la mère demeurent les clefs d’un tout. De tout. De plus en plus, son cinéma se rapproche de la littérature et les images qui accompagnent les mots deviennent quasiment secondaires. En tout cas, là où il ne faiblit pas d’un iota, c’est sur la direction d’acteurs! Le duel formidable entre Melvil Poupaud et Marion Cotillard offrent deux numéros de haute voltige émotionnelle. Lui, poignant et à fleur de peau, elle frémissante et bouleversante dans un rôle dramatique qui lui va si bien. Le Prix d’Interprétation Cannois sera peut être pour elle cette année!? Légère insatisfaction sur l’ensemble du film qui malgré tout recèle un talent de conteur indiscutable.
ANNEE DE PRODUCTION 2022.
