Chaque année, une Comtesse richissime convie Peppino et Antonia, italiens pauvres avec cinq enfants, à une partie de cartes où l’on joue avec son argent. Chaque fois, la Comtesse gagne. Mais un beau jour, ils ont en main une petite fortune et sentent la chance venir à eux…
Si dans le genre de la comédie italienne, Luigi Comencini a apporté avec Risi, De Sica ou d’autres sa propre pièce à l’édifice, avec les années l’humour franc a été progressivement remplacé par une vision plus mordante, plus cynique et du coup plus pessimiste de l’être humain et sa condition. Avec L’Argent de la Vieille, le cinéaste atteint un sommet d’intelligence dans son écriture par cette fable corrosive sur la lutte des classes, sur le pouvoir de l’argent mais aussi sur l’illusion qu’il procure à ceux qui croient qu’il apporte forcément le bonheur ultime. Ici, les pauvres finissent encore plus pauvres et la richissime vieille du titre n’en finit pas d’amasser les dollars, sans vergogne ni complexe: le sous prolétariat et le capitalisme rivalisent de médiocrité, chacun à sa façon! Les exploitants et les exploités font rire de leurs bassesses, leurs hypocrisies, leurs vils desseins et la comédie réjouissante passe par des dialogues savoureux, des situations cocasses (la vieille dame subclaquante veut jouer encore et encore aux cartes, carrément increvable). Comencini impose une morale claire: on perd toujours à vouloir battre « l’ennemi » de classe sur son propre terrain. De plus, les enfants du couple sont les témoins de leur humiliation publique, ont eux mêmes un regard déjà acide sur les événements. La mise en scène, dynamique et enlevée, participe à la réussite éclatante de ce métrage produit par le grand Dino de Laurentiis.
L’argent de la Vieille provoque un infini plaisir aussi grâce à son casting prestigieux. Chacun y joue de façon admirable: Alberto Sordi, looser magnifique et mari aimant, Silvana Mangano -que l’on a pas si souvent vue utilisée dans la comédie- incarne l’épouse agacée par les faiblesses de son époux et rêvant de gagner la fortune qui, croit elle, va changer sa vie. Plus étonnamment, les deux acteurs américains employés s’imbriquent idéalement dans l’univers purement italien de Comencini et, en prime, rappelle les heures fastueuses d’Hollywood: Joseph Cotten et Bette Davis se retrouvent près de 25 ans après le très sombre La Garce. Davis compose une performance mythique de milliardaire impavide, hilarante à souhait. Bref, ce fleuron du cinéma transalpin, aussi amusant que délectable, frôle le rang des chefs d’oeuvres.
ANNEE DE PRODUCTION 1972.
