Le jour où Ferdinand perd son travail, il retrouve une jeune étudiante qu’il a jadis aimée, Marianne. Las de son existence, il décide de refaire sa vie avec elle. Il part en cavale avec elle, l’entrainant dans une spirale de violence et de passion. Elle se joue de lui, Ferdinand dit Pierrot le Fou ne maitrise plus rien…
Deux ans après Le Mépris, son film le plus célébré et le plus abouti jusque là, Jean Luc Godard fait un retour fracassant avec cette oeuvre ô combien atypique, à l’opposé de ce que l’on pourrait attendre d’un récit autour du vrai Pierrot le Fou, Pierre Loutrel. Parce que Godard se détache progressivement du cinéma « traditionnel », déconstruisant son scénario, ne suivant aucune logique, s’autorisant toutes les audaces dans une liberté totale. Ainsi, c’est un « faux « film policier qui défile, au lieu de ça une sorte de collage d’hommages divers fait la charpente d’une intrigue convoquant pêle mêle la BD (Les Pieds Nickelés), la littérature (Raymond Chandler, Shakespeare), la chanson (Ma ligne de chance), mais également la peinture (Vélasquez, Picasso) et bien entendu un clin d’oeil au cinéma (des citations et la présence de Samuel Fuller donnant sa propre définition du 7e Art). Cet objet filmique apparemment foutraque suit la cavale de deux êtres épris d’absolu, emportés par l’amour et tentés par la violence, mais pas tout à fait comme Bonnie and Clyde le fera en Amérique, le romanesque étant plus acerbe à cause (ou grâce) du pessimisme de l’auteur d’A bout de souffle. Sur une admirable photographie de Raoul Coutard, un montage heurté et une bande son mélangeant les voix off, la musique et des phrases cultes (Qu’est ce que je peux faire? Je sais pas quoi faire!), le film peut dérouter ou irriter par son originalité de traitement, mais Godard n’en a cure, en cinéaste iconoclaste et provocateur, il se démarque franchement.
Au casting, un couple mythique se partage l’affiche: Jean Paul Belmondo peut laisser libre cours à son animalité, son aisance physique et même se fendre d’une imitation de Michel Simon, il est tout le temps aérien et formidable dans ce qui demeure une de ses plus légendaires prestations. La belle et douce Anna Karina, pour la sixième fois devant la caméra de son pygmalion, trimballe une aura particulière et une émotion plus abstraite que dans Vivre sa Vie. Pierrot Le Fou s’est hissé avec le temps au rang des classiques par sa façon unique de raconter l’histoire d’un destin, tout en devenant un poème tragique sur la difficulté d’aimer, aux allures de bande dessinée colorée. Son final dynamite (pardon pour le jeu de mots facile) encore davantage les règles établies par un cinéma pantouflard et poussiéreux que Godard a tant dénoncé dans ses écrits critiques.
ANNEE DE PRODUCTION 1965.