Une petite ville du Sud Ouest dans les années 30. Les Pedret, famille de notables, sont à la tête d’une usine locale. Ils marient leur fils Prosper à une jeune femme de son rang, Regina. Bientôt c’est au tour d’Hector d’épouser Berthe, la blanchisseuse du coin. La jeune femme entre ainsi dans la famille et devient, au fil du temps, la véritable chef du clan grâce à son autorité et son charisme…
Après un premier essai peu remarqué intitulé Paulina s’en va, André Téchiné s’est lancé dans une chronique familiale sur plusieurs années avec son second long métrage. La description d’une famille bourgeoise vivant près de Toulouse, à l’aube du Front Populaire se mêle en même temps à une vision de la société française, dans un climat rétro et une atmosphère originale. Téchiné, déjà porté sur le romanesque, n’agence pas ses séquences de façon classique, propose plus des vignettes, des instants de vie, et surtout adopte un style très particulier. Celui de la distanciation chère à Bertolt Brecht, ainsi qu’un attrait pour la sophistication, que l’on pouvait retrouver à cette époque dans le cinéma de Fassbinder. D’emblée, le futur auteur de Rendez Vous casse les codes, fragmente le récit, brouille un peu les pistes des situations, et ne nous donne que des bribes d’informations sur le déroulement des événements. Ainsi, si Souvenirs d’en France relate l’ascension sociale d’une lingère devenue chef d’entreprise, il assume surtout son côté très féministe, reléguant un peu les bonhommes au rang de simples maris, peu doués en affaires.
C’est un film profondément politique, cernant une période de l’Histoire de notre pays, sur trois décennies, mettant la femme au centre de son propos, et d’ailleurs le personnage de Berthe est atypique, car peu souvent traité ainsi dans une fiction. Jeanne Moreau s’empare de ce rôle inattendu avec la plus grande maitrise et Marie France Pisier (très belle et rieuse!) l’accompagne, en actrice muse de Téchiné avec qui elle fera quatre films, au cours des années 70. En dehors de ses qualités évidentes, cette saga romanesque n’évite pas certaines longueurs et surtout souffre d’une froideur réelle dans sa réalisation. Du coup, à la fin de la projection, un sentiment mitigé nous habite: si Téchiné a tenté de restituer la morne vie de province, il nous plonge par là même également dans un certain ennui poli.
ANNEE DE PRODUCTION 1975.