Carla est malentendante. Employée comme secrétaire dans une agence immobilière, elle mène une vie solitaire et doit subir les humiliations de ses collègues. Son employeur décide un jour de lui adjoindre un stagiaire. L’ANPE lui envoie Paul, un ancien délinquant ayant fait 2 ans de prison pour vol aggravé et recel et venant d’être libéré sous contrôle judiciaire.
Après deux films remarqués et salués par la critique, Regarde les Hommes tomber et Un héros très discret, Jacques Audiard s’est adjoint la collaboration du scénariste Tonino Benacquista pour écrire son troisième long métrage. Ils ont inventé un récit sophistiqué, quelque part entre le drame et le thriller noir. Tournant autour d’une héroïne complexée, sourde et gauche, le film ne se laisse pas apprivoiser facilement: il installe ses personnages lentement, les situations s’enchainent sans que les enjeux ne se dessinent clairement au départ. Audiard fait preuve d’une mise en scène précise pour mettre en place son intrigue originale: un beau travail sur la bande son a été accompli pour nous immerger dans l’univers de Carla, malentendante et utilisant des appareils auditifs, mais aussi sur l’image: beaucoup de gros plans pour entrer en communion avec ce tandem improbable, dont on perçoit le désir physique, sans qu’il ne soit montré crûment. Sur mes lèvres est d’abord le portrait de deux inadaptés unissant leurs « tares » pour prendre leur revanche sur la vie et s’offrir un destin. Puis, progressivement, Audiard glisse vers le polar sombre, jusque dans son final tendu, au suspense rondement mené.
Excellence aussi du point de vue de l’interprétation: Emmanuelle Devos, très douée, campe cette femme introvertie qui se révèle à elle même, et gagna à juste titre le César de la Meilleure Actrice. En ex taulard à la diction hésitante et au comportement animal, Vincent Cassel trouve un de ses plus beaux rôles. Olivier Gourmet complète avec brio une distribution dirigée sans fausse note. Le film remporta aussi le César du Meilleur Scénario, ce qu’il n’a pas volé, vu la singularité et la richesse de son élaboration. Du solide cinéma français, populaire et intelligent.
ANNEE DE PRODUCTION 2001.
