Nullo et Carmela s’aiment. Lui, militant communiste et syndicaliste, elle sicilienne, catholique et soumise à l’autorité de son frère. Ils travaillent tous deux dans une usine de produits toxiques. Ils ont envie de se marier, mais le destin ne va cesser de les frapper durement…
Comme souvent dans son oeuvre, l’italien Luigi Comencini montre combien la société finit toujours par détruire l’innocence de ceux qui ne savent pas ou ne peuvent pas lutter équitablement contre elle. Avec ce film dramatique aux accents de tragédie amoureuse, Comencini atteint un niveau élevé dans sa carrière et réussit un de ses opus les plus accomplis. Il le situe dans un milieu social précis: celui des ouvriers et des émigrés du Sud de l’Italie. Narrant l’histoire d’amour, très belle et bouleversante, de deux êtres « victimes » de leur condition, le cinéaste se permet aussi une dénonciation du travail pénible en usine et les dangers encourus par les employés à cause de l’environnement empoisonné dans lequel ils « stagnent » pour gagner leur vie. Des thèmes comme la suprématie masculine ou la tentative d’émancipation féminine sont mine de rien abordés en filigrane et apportent une richesse supplémentaire à ce « vrai crime d’amour » déchirant. Comencini n’hésite pas non plus à tirer à boulets rouges sur la pollution inadmissible des usines, où des milliers de travailleurs ont sacrifié leur santé.
Avec sa narration linéaire et classique, le film semble à première vue non pas banal, mais d’une simplicité singulière, pourtant ce couple d’amoureux, condamné d’avance par le poison des conventions religieuses et le poison de leur lieu de travail finit par désarmer sans prévenir, entre séquences d’amour délicates et tragédie inéluctable. Comencini fait dans le concret le plus terrible. Pour incarner ses protagonistes émouvants, Giuliano Gemma et Stéfania Sandrelli sont formidables avec leur manière de jouer très épurée, loin du mélodrame appuyé qu’en aurait fait une production américaine. Cette fable ouvrière pudique nous fait partager la douleur et le chagrin de ces êtres de chair et de sang, jouets de la fatalité. De beaux personnages de cinéma empreints d’une puissante vérité.
ANNEE DE PRODUCTION 1974.
